EIV - Proposition 73 - scolie

  • 28 juin 2004

Cette Proposition et les autres principes établis au sujet de la vraie liberté de l’homme se rapportent à la Fermeté d’âme, c’est-à-dire (Scolie de la Prop. 59, p. III) à la Force d’âme et à la Générosité. Je ne juge pas qu’il vaille la peine de démontrer ici séparément toutes les propriétés de la Force d’âme et, encore bien moins, qu’un homme à l’âme forte n’a personne en haine, n’a de colère, d’envie, d’indignation à l’égard de personne, ne mésestime personne et n’a aucun orgueil. Cela en effet et tout ce qui concerne la vie vraie et la Religion s’établit aisément par les Propositions 37 et 46, je veux dire que la Haine doit être vaincue par l’Amour, et que quiconque est conduit par la Raison, désire pour les autres ce qu’il appète pour lui-même. A quoi s’ajoute ce que nous avons observé dans le Scolie de la Proposition 50 et en d’autres endroits : qu’un homme d’âme forte considère avant tout que tout suit de la nécessité de la nature divine ; que, par suite, tout ce qu’il pense être insupportable et mauvais et tout ce qui, en outre, lui paraît immoral, digne d’horreur, injuste et vilain, cela provient de ce qu’il conçoit les choses d’une façon troublée, mutilée et confuse ; pour cette raison, il s’efforce avant tout de concevoir les choses, comme elles sont en elles-mêmes, et d’écarter les empêchements à la connaissance vraie tels que la Haine, la Colère, l’Envie, la Raillerie, l’Orgueil et autres semblables notés dans ce qui précède ; par suite, autant qu’il peut, il s’efforce, comme nous l’avons dit, de bien faire et de se tenir en joie. Jusqu’à quel point maintenant l’humaine vertu y parvient et quel est son pouvoir, c’est ce que je démontrerai dans la Partie suivante. [*]


Hæc et similia quæ de vera hominis libertate ostendimus, ad fortitudinem hoc est (per scholium propositionis 59 partis III) ad animositatem et generositatem referuntur. Nec operæ pretium duco omnes fortitudinis proprietates hic separatim demonstrare et multo minus quod vir fortis neminem odio habeat, nemini irascatur, invideat, indignetur, neminem despiciat minimeque superbiat. Nam hæc et omnia quæ ad veram vitam et religionem spectant, facile ex propositione 37 et 46 hujus partis convincuntur nempe quod odium amore contra vincendum sit et quod unusquisque qui ratione ducitur, bonum quod sibi appetit, reliquis etiam ut sit, cupiat. Ad quod accedit id quod in scholio propositionis 50 hujus partis et aliis in locis notavimus quod scilicet vir fortis hoc apprime consideret nempe quod omnia ex necessitate divinæ naturæ sequantur ac proinde quicquid molestum et malum esse cogitat et quicquid præterea impium, horrendum, injustum et turpe videtur, ex eo oritur quod res ipsas perturbate, mutilate et confuse concipit et hac de causa apprime conatur res ut in se sunt, concipere et veræ cognitionis impedimenta amovere ut sunt odium, ira, invidia, irrisio, superbia et reliqua hujusmodi quæ in præcedentibus notavimus atque adeo quantum potest conatur uti diximus bene agere et lætari. Quousque autem humana virtus ad hæc consequenda se extendat et quid possit in sequenti parte demonstrabo.


[*(Saisset :) Toutes ces qualités de l’homme libre que nous venons d’exposer se rapportent au courage, c’est-à-dire (par le Scol. de la Propos. 59, part. 3) à la bravoure et à la force d’âme. Et je ne crois pas nécessaire d’expliquer l’une après l’autre toutes les propriétés du courage, bien moins encore de faire voir que l’homme courageux n’a pour personne ni haine, ni colère, ni envie, ni indignation, ni mépris, et qu’il ne se laisse point exalter par l’orgueil. Car tout cela se déduit facilement des Propos. 37 et 46, ainsi que tout ce qui concerne la vie véritable et la religion. Je veux dire que la haine doit être vaincue par l’amour, et que tout homme que la raison conduit désire pour les autres ce qu’il désire pour soi-même. Ajoutez que l’homme courageux, ainsi que nous l’avons remarque ; déjà dans le Scol. de la Propos. 50, et dans plusieurs autres endroits, médite sans cesse ce principe, que toutes choses résultent de la nécessité de la nature divine, et en conséquence, que tout ce qu’il juge mauvais et désagréable, tout ce qui lui pareil impie, horrible, injuste et honteux, tout cela vient de ce qu’il conçoit les choses avec trouble et confusion, et par des idées mutilées ; et dans cette conviction, il s’efforce par-dessus tout de comprendre les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, et d’écarter les obstacles qui nuisent à la vraie connaissance, comme la haine, la colère, l’envie, la moquerie, l’orgueil, et autres mauvaises passions que nous avons expliqués plus haut. L’homme courageux s’efforce donc, par cela même, autant qu’il est en lui, de bien agir et de vivre heureux. Mais jusqu’à quel point l’humaine vertu peut-elle atteindre ces avantages, et quelle est sa puissance ? c’est ce que j’expliquerai dans la partie suivante.

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