Lettre 68 - Spinoza à Oldenburg

  • 6 août 2005


Au très noble et très savant Henri Oldenburg,
B. de Spinoza.

RÉPONSE A LA LETTRE LXII

Monsieur,

Au moment où j’ai reçu votre lettre du 22 juillet, je suis parti pour Amsterdam pour faire imprimer le livre [1] dont je vous avais parlé dans ma lettre antérieure. Tandis que je m’occupais de cette affaire, le bruit se répandit partout qu’un livre de moi était sous presse où je m’efforçais de montrer qu’il n’y avait pas de Dieu, et quantité de gens ajoutaient foi à ce bruit. Quelques théologiens (peut-être les premiers auteurs de ce bruit) en prirent occasion pour déposer ouvertement une plainte contre moi auprès du prince et des magistrats ; de sots cartésiens en outre, pour écarter le soupçon de m’être favorables, ne cessaient pas et continuent d’afficher l’horreur de mes opinions et de mes écrits. L’ayant appris de quelques personnes dignes de foi qui affirmaient en même temps que les théologiens me guettaient de toutes parts, j’ai résolu d’ajourner la publication jusqu’au moment où j’aurai vu comment tournaient les choses, et je me suis proposé de vous communiquer alors la décision à laquelle je m’arrêterais. Mais la situation paraît s’aggraver tous les jours et je ne sais trop que faire. Je n’ai cependant pas voulu différer plus longtemps de répondre à votre lettre et, en premier lieu, je vous remercie de votre avertissement amical. Je voudrais savoir quelles sont les opinions que vous croyez de nature à mettre en péril la pratique de la venu religieuse et vous demande à ce sujet un complément d’explication. Je crois en effet, quant à moi, que des opinions conformes à la raison sont aussi de la plus grande utilité pour la vertu. Je voudrais aussi que vous me fissiez connaître, si cela ne vous est pas désagréable, les passages du Traité théologico-politique pouvant arrêter les savants, car j’ai l’intention d’éclaircir ce traité au moyen de quelques notes [2] et de faire tomber s’il est possible les préventions qu’on peut avoir contre lui. Adieu.



[1L’Éthique (note jld).

[2Voyez sur ce point la Lettre69, et la note 1 (jld).

Dans la même rubrique

Lettre 61 - Oldenburg à Spinoza (8 juin 1675)

Au très célèbre B. de Spinoza,
Henri Oldenburg.
Je ne veux pas laisser échapper la bonne occasion que m’offre le départ pour la Hollande du (...)

Lettre 62 - Oldenburg à Spinoza (22 juillet 1675)

à Monsieur B. de Spinoza,
Henri Oldenburg.
Je ne veux pas, Monsieur, que le commerce épistolaire si heureusement rétabli entre nous souffre (...)

Lettre 71 - Oldenburg à Spinoza (15 novembre 1675)

À Monsieur B. de Spinoza, Henri Oldenburg.
Autant que je puis en juger par votre dernière lettre, l’édition du livre que vous destiniez au (...)

Lettre 73 - Spinoza à Oldenburg

Au très noble et savant Henri Oldenburg,
B. de Spinoza.
RÉPONSE A LA LETTRE LXXI
J’ai reçu samedi dernier seulement votre courte lettre du (...)

Lettre 74 - Oldenburg à Spinoza (16 décembre 1675)

à Monsieur B. de Spinoza,
Henri Oldenburg.
RÉPONSE A LA PRÉCÉDENTE.
Vous me reprochez ma brièveté excessive, je vais cette fois réparer ma (...)

Lettre 75 - Spinoza à Oldenburg

Au très noble et très savant Henri Oldenburg,
B. de Spinoza.
RÉPONSE A LA PRÉCÉDENTE
Monsieur,
Je vois enfin quelle est cette thèse que (...)

Lettre 77 - Oldenburg à Spinoza (14 janvier 1676)

à Monsieur B. de Spinoza, Henri Oldenburg.
εὖ πράττειν
RÉPONSE A LA LETTRE LXXV
Vous avez touché juste : la raison pour laquelle je ne (...)

Lettre 78 - Spinoza à Oldenburg

Au très noble et savant Henri Oldenburg, B. de Spinoza.
RÉPONSE A LA PRÉCÉDENTE
Monsieur,
Ce que j’ai dit dans ma lettre précédente, que (...)

Lettre 79 - Oldenburg à Spinoza (11 février 1676)

à Monsieur Benoît de Spinoza, Henri Oldenburg.
RÉPONSE A LA PRÉCÉDENTE
Dans votre dernière lettre datée du 7 février, il y a encore quelques (...)