TTP - chap.3 - §10 : Le caractère exceptionnel de la situation des Hébreux.

  • 13 février 2006


[10] Les Pharisiens cependant soutiennent âprement, contrairement à cette conclusion, que ce don divin fut particulier à leur nation et que les autres nations ont prédit l’avenir par je ne sais quelle vertu diabolique (de quelles inventions la superstition n’est-elle pas capable ?). Le texte principal qu’ils produisent pour appuyer leur opinion de l’autorité de l’Ancien Testament est tiré de l’Exode (chap. XXXIII, v.16) où Moïse dit : pourquoi connaîtra-t-on que moi et mon peuple avons trouvé grâce à tes yeux ? certes c’est quand tu marcheras avec nous ; et nous serons séparés, moi et ton peuple, de tout ce qui est à la surface de la terre. De là ils veulent inférer que Moïse a demandé à Dieu d’être présent aux Juifs et de se révéler à eux par des Prophéties et de n’accorder ensuite cette grâce à aucun autre peuple. Il serait risible, certes, que Moïse eût envié aux autres nations la présence de Dieu ou osé demander à Dieu quoique ce fût de semblable. En réalité, quand Moïse eut appris à connaître la complexion de sa nation et son âme insoumise, il vit clairement qu’il ne pourrait mener à bonne fin l’œuvre entreprise sans le plus grand des miracles et un secours externe tout particulier de Dieu et que les Juifs périraient sans ce secours ; pour qu’il fût -bien établi que Dieu voulait les conserver, il demanda donc le secours particulier de Dieu. C’est ainsi qu’il dit (chap. XXXIV, v. 9) : si je trouve grâce à tes yeux, Seigneur, que le Seigneur marche à ma prière parmi nous, car ce peuple est insoumis, etc. La raison donc pour laquelle il demanda un secours particulier de Dieu, c’est que le peuple était insoumis. Ce qui montre encore plus clairement que Moïse n’a pas demandé autre chose que ce secours externe singulier, c’est la réponse même de Dieu ; il répond, en effet (même chap., vs. 10) : Voici, je conclus une alliance par laquelle je ferai devant tout ton peuple des merveilles qui n’ont point été faites sur toute la terre ni dans toutes les nations, etc. Ainsi Moïse n’a en vue que l’élection des Hébreux telle que je l’ai expliquée et n’a pas demandé autre chose à Dieu.

Je trouve cependant dans l’Épître de Paul aux Romains un autre texte qui me frappe davantage ; je veux parler de ce passage du chapitre III vs. 1, 2, où Paul semble exposer une doctrine différente de la nôtre : quel est donc, dit-il, l’avantage du Juif, et quel est le profit de la circoncision ? Il est grand en toute manière, mais surtout en ce que les paroles de Dieu lui ont été confiées. Mais si nous considérons attentivement la doctrine que Paul veut avant tout exposer ici, nous ne trouverons rien qui contredise à la nôtre ; au contraire, il enseigne précisément ce que nous enseignons ; il dit, en effet ( même chap., v. 29) que Dieu est le Dieu des Juifs et aussi des Gentils et au chapitre II, vs. 25, 26 : si le circoncis s’écarte de la foi, la circoncision deviendra prépuce et, au contraire, si l’incirconcis observe le commandement de la loi, son prépuce sera réputé circoncision. Il dit en second lieu (chap. III, v. 9, et chap. IV, v. 15) que tous également, c’est-à-dire tant les Juifs que les Gentils, sont soumis au péché, et qu’il n’y a pas péché sans le commandement et la loi. De là ressort, avec la dernière évidence, que la Loi a été révélée à tous absolument, comme nous l’avons montré plus haut par Job (chap. XXVIII, v. 28), et que tous ont vécu sous elle, je parle de cette loi qui concerne seulement la vertu vraie, non de celle qui est établie à l’égard de chaque État, en rapport avec sa constitution, et adaptée à la complexion propre d’une seule nation. La conclusion de Paul est enfin que Dieu est le Dieu de toutes les nations, c’est-à-dire est également propice à tous et que tous s’étant trouvés également soumis à la loi et au péché, Dieu a envoyé son Christ à toutes les nations pour les délivrer pareillement de la servitude de la loi, de façon que les hommes ne fissent plus ce qui est bien par le commandement de la loi, mais par un décret constant de l’âme. Paul enseigne donc précisément la doctrine que nous soutenons. Quand, par suite, il dit qu’aux Juifs seulement ont été confiées les paroles de Dieu, il faut entendre qu’eux seuls ont eu le dépôt des Lois par écrit, tandis que les autres nations en avaient eu seulement la révélation et le dépôt dans l’esprit, ou bien il faut dire (puisqu’il s’applique à repousser une objection ne pouvant venir que des Juifs) que Paul dans sa réponse, s’est mis à la portée des Juifs et a parlé suivant les opinions alors reçues parmi eux : pour enseigner, en effet, ce qu’il avait en partie vu lui-même, en partie appris par ouï-dire, il était Grec avec les Grecs et Juif avec les Juifs.


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