TTP - chap. V - §§1-13 : A quelle fin les cérémonies religieuses ont été instituées.

  • 20 février 2006


1. §§1-5 : Confirmation par l’autorité de l’Écriture de la distinction entre loi divine universelle et lois divines positives.

[1] Nous avons montré dans le chapitre précédent que la loi divine qui donne aux hommes la véritable béatitude et leur enseigne la vie vraie, est commune à tous les hommes ; bien mieux, nous l’avons déduite de la nature humaine de façon qu’on doit l’estimer innée à l’âme humaine et comme écrite en elle. Au contraire, les cérémonies du culte, celles au moins qui se trouvent dans l’Ancien Testament, ont été instituées pour les Hébreux seulement et adaptées à leur État de telle sorte que pour la plus grande part elles n’ont pu être célébrées que par la communauté entière, non par les individus isolés. Il est donc certain qu’elles n’ont point trait à la loi divine et ne contribuent en rien à la béatitude et à la vertu, mais concernent uniquement l’élection des Hébreux, c’est-à-dire (suivant ce que nous avons montré dans le chapitre III), la seule félicité temporelle des corps et la tranquillité de l’État, puisqu’elles ne pouvaient être d’aucun usage sinon pendant la durée de l’État. Si donc, dans l’Ancien Testament, ces cérémonies sont rapportées à la loi de Dieu, c’est seulement parce qu’elles ont été instituées en vertu d’une révélation ou tirées de principes révélés. Toutefois comme un raisonnement, si solide qu’il soit, n’a guère de force aux yeux des Théologiens ordinaires, il convient de confirmer par l’autorité de l’Écriture ce que nous venons de montrer ; nous ferons voir ensuite, pour rendre la chose plus claire, pour quelle raison et comment les cérémonies servaient au maintien et à la conservation de l’État des Juifs.

[2] Nul enseignement plus clair dans Isaïe que celui qui identifie la loi divine au sens le plus absolu du mot à cette loi universelle consistant en une vraie règle de vie, non du tout aux cérémonies ; dans le chapitre I, v. 10 le Prophète appelle en effet sa nation à entendre de lui la Loi divine, d’où il commence par exclure les sacrifices de tous genres et toutes les fêtes, après quoi il enseigne la loi elle-même (voir vs. 15,17) et la résume en ce peu de préceptes : purification de l’âme, pratique ou constant usage des vertus, c’est-à-dire des bonnes actions, secours apportés aux pauvres. Non moins éclatant ce témoignage que nous trouvons dans le Psaume XL, versets 7, 9 ; le Psalmiste s’adresse ainsi à Dieu : tu n’as pas voulu de sacrifice ni d’offrande, tu m’as perforé les oreilles [1], tu n’as pas demandé d’holocauste ni d’oblation pour le péché ; j’ai voulu accomplir ta volonté, mon Dieu, car ta loi est dans mes entrailles. Il n’a donc en vue que cette loi de Dieu, écrite dans les entrailles ou dans l’âme et il en exclut les cérémonies ; elles ne sont bonnes en effet qu’en vertu d’une institution, non par leur nature propre, et ne sont pas en conséquence écrites dans les âmes. D’autres passages se trouveraient dans l’Écriture pour l’attester, mais il suffit de ces deux citations.

[3] Que d’ailleurs les cérémonies n’aident en rien à la béatitude, mais concernent seulement le bien temporel de l’État, cela est établi par l’Écriture même qui, pour l’observation des cérémonies, ne promet que des avantages matériels et des plaisirs charnels, et réserve la béatitude pour la loi divine universelle. Dans les cinq livres, communément attribués à Moïse, il n’est rien promis d’autre, comme nous l’avons dit ci-dessus, que cette félicité temporelle, je veux dire des honneurs ou encore du renom, des victoires, des richesses, des plaisirs et la santé du corps. Et bien qu’outre les cérémonies prescrites, ces cinq livres contiennent beaucoup de préceptes moraux, ces derniers ne s’y trouvent pas en tant qu’enseignements moraux communs à l’universalité des hommes, mais comme des commandements adaptés surtout à la compréhension et à la complexion de la seule nation des Hébreux et se rapportant à la seule utilité de leur État. Par exemple Moïse n’enseigne pas aux Juifs à la façon d’un docteur ou d’un Prophète à ne pas tuer et à ne pas voler ; il le leur ordonne à la façon d’un législateur et d’un prince ; il ne prouve pas par le raisonnement la vérité de ces enseignements, il joint à des commandements la menace d’un châtiment qui peut et doit varier, comme l’expérience l’a assez montré, suivant la complexion propre à chaque nation. C’est ainsi qu’ordonnant de ne pas commettre l’adultère, il a en vue le bien public seulement et l’intérêt de l’État ; s’il avait voulu donner un enseignement moral qui concernât la tranquillité de l’âme et la vraie béatitude des individus, il n’eût pas condamné seulement l’action externe mais aussi le consentement même de l’âme ; comme l’a fait le Christ qui donne seulement des enseignements universels (voir Matth., chap. V, v. 28) ; pour cette raison le Christ promet une récompense spirituelle et non corporelle comme Moïse : le Christ, je l’ai dit, a été envoyé non pour conserver l’État et instituer des lois, mais pour enseigner la seule loi universelle. Par là nous connaissons aisément que le Christ n’a nullement abrogé la loi de Moïse, puisqu’il n’a voulu introduire dans la société aucunes lois nouvelles, et n’a eu d’autre souci que de donner des enseignements moraux et de les distinguer les lois de l’État. Cela surtout à cause de l’ignorance des Pharisiens qui pensaient que, pour vivre dans la béatitude, il suffit d’observer les règles juridiques de l’État, c’est-à-dire la loi de Moïse, alors que cette loi, comme nous l’avons dit, n’a égard qu’au bien de l’État et a servi non à éclairer les Hébreux mais à les contraindre.

[4] Mais revenons à notre propos et citons d’autres passages de l’Écriture qui, pour l’observation des cérémonies ne promettent rien de plus que des avantages matériels et réservent la béatitude pour la seule loi divine universelle. Nul parmi les Prophètes ne l’a enseigné plus clairement qu’Isaïe ; au chapitre LVIII, après avoir condamné l’hypocrisie, recommandé la liberté et la charité envers soi-même et envers le prochain, il fait ces promesses : alors éclatera ta lumière comme une aurore et ta santé fleurira aussitôt, et ta justice ira devant toi et la gloire de Dieu te réunira au troupeau [2]. Ensuite il recommande aussi la célébration du sabbat et fait cette promesse à ceux qui l’observent avec diligence : alors tu goûteras du plaisir avec Dieu [3] et je te ferai chevaucher sur les sommets de la terre [4] et je ferai que tu manges l’héritage de Jacob ton père, comme l’a dit la bouche de Jéhovah.

Nous voyons donc que le Prophète promet, pour la liberté et la charité, une âme saine dans un corps sain et aussi la gloire de Dieu après la mort ; et pour l’observation des cérémonies il ne promet autre chose que la sécurité de l’État, la prospérité et la félicité temporelle. Dans les Psaumes XV et XXIV, il n’est fait nulle mention des cérémonies, mais seulement des enseignements moraux, ce qui tient assurément à ce qu’il est question seulement de la béatitude et qu’elle est le seul objet que se propose l’auteur, bien qu’il en parle par parabole : il est certain en effet que, dans ce texte, il faut entendre par montagne et tentes de Dieu, et par séjour dans ces lieux, la béatitude et la tranquillité de l’âme, non la montagne de Jérusalem ni le tabernacle de Moïse ; car ces derniers lieux n’étaient habités par personne et seuls ceux de la tribu de Lévi en avaient l’administration. De plus toutes ces sentences de Salomon citées dans le chapitre précédent, promettent la vraie béatitude à ceux-là seuls qui cultivent l’entendement et la sagesse, attendu que seuls ils connaissent vraiment la crainte de Dieu et honorent la science.


[5] Que d’ailleurs, après la destruction de leur État, les Hébreux ne sont plus tenus à observer les cérémonies, c’est ce que montre Jérémie qui a vu et prédit la dévastation suspendue sur la ville et dit : Dieu aime seulement ceux qui savent et connaissent qu’il fait régner dans le monde la miséricorde, le jugement et la justice ; dans l’avenir donc ceux-là seuls qui savent cela devront être jugés dignes de louange (voir chap. IX, v. 23), comme s’il disait qu’après la dévastation de la ville, Dieu n’a plus à l’égard des Juifs d’exigence particulière, et leur demande uniquement d’observer la loi naturelle qui astreint tous les mortels. Le Nouveau Testament confirme entièrement cette vérité ; là, nous l’avons dit, ne se trouvent que des enseignements moraux, et le royaume des cieux est promis à ceux qui les observent ; pour les cérémonies, elles furent abandonnées par les Apôtres après qu’on eut commencé de prêcher l’Évangile aux nations soumises aux lois d’un autre État. Quant au fait que les Pharisiens conservèrent en grande partie les cérémonies israélites après la perte de l’État, il faut y voir une marque d’hostilité contre les chrétiens plutôt qu’un dessein de plaire à Dieu. Après la première dévastation de la ville en effet, quand les captifs eurent été conduits à Babylone, comme alors ils n’étaient, que je sache, point divisés en sectes, ils négligèrent aussitôt les cérémonies, renoncèrent même à la loi de Moïse, abandonnèrent à l’oubli, comme entièrement superflu, le droit de leur patrie et commencèrent à se mêler aux autres nations ; comme il est surabondamment établi par Esdras et Néhémie. Il est donc hors de doute que les Juifs après la dissolution de l’État ne sont pas plus tenus par la loi de Moïse qu’ils ne l’étaient avant la fondation de leur société et de leur État. Aussi longtemps qu’ils ont vécu parmi les autres nations, avant, leur sortie d’Égypte, ils n’ont pas eu de lois particulières et n’étaient tenus qu’à l’observation du droit naturel et aussi sans doute des règles en vigueur dans l’État où ils vivaient, en tant qu’elles ne contredisaient pas à la loi divine naturelle. Pour les sacrifices à Dieu offerts par les Patriarches, ils s’expliquent par le désir d’exciter davantage à la dévotion leur âme accoutumée dès l’enfance à ces sacrifices ; car tous les hommes, à dater d’Enos, avaient accoutumé d’offrir des sacrifices pour s’exciter le plus possible à la dévotion. Les Patriarches ont sacrifié à Dieu non du tout par le commandement d’une règle divine ni par une connaissance qu’ils auraient tirée des fondements universels de la loi divine, mais par conformité seulement à une habitude de leur temps ; et si ces sacrifices leur ont été commandés, ce commandement n’a pas été autre que celui de la loi de l’État où ils vivaient et par laquelle eux aussi étaient tenus, comme nous l’avons déjà noté ici-même et aussi au chapitre III en parlant de Melchisédec.

2.§§6-13 : Les cérémonies servent à la conservation de l’Etat.

[6] Je pense avoir ainsi confirmé ma manière de voir par l’autorité de l’Écriture ; il reste à montrer comment et pour quelle raison les cérémonies servaient à la conservation et au maintien de l’État des Hébreux, ce que je ferai voir, aussi brièvement que je pourrai, par des principes universels.

a) §7-9 : Les principes universels du pouvoir politique.


[7] Ce n’est pas seulement parce qu’elle protège contre les ennemis, que la Société est très utile et même nécessaire au plus haut point, c’est aussi parce qu’elle permet de réunir un grand nombre de commodités ; car, si les hommes ne voulaient pas s’entr’aider, l’habileté technique et le temps leur feraient également défaut pour entretenir leur vie et la conserver autant qu’il est possible. Nul n’aurait, dis-je, le temps ni les forces nécessaires s’il lui fallait labourer, semer, moissonner, moudre, cuire, tisser, coudre et effectuer bien d’autres travaux utiles à l’entretien de la vie ; pour ne rien dire des arts ni des sciences, qui sont aussi suprêmement nécessaires à la perfection de la nature humaine et à sa béatitude. Nous voyons en effet ceux qui vivent en barbares, sans civilisation, mener une vie misérable et presque animale, et cependant le peu qu’ils ont, tout misérable et grossier, ils ne se le procurent pas sans se prêter mutuellement une assistance quelle qu’elle soit.

[8] Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu’ils n’eussent de désir que pour ce qu’enseigne la vraie Raison, certes la société n’aurait besoin d’aucunes lois, il suffirait absolument d’éclairer les hommes par des enseignements moraux pour qu’ils fissent d’eux-mêmes et d’une âme libérale ce qui est vraiment utile. Mais tout autre est la disposition de la nature humaine ; tous observent bien leur intérêt, mais ce n’est pas suivant l’enseignement de la droite Raison ; c’est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions de l’âme (qui n’ont aucun égard à l’avenir et ne tiennent compte que d’elles-mêmes) qu’ils désirent quelque objet et le jugent utile. De là vient que nulle société ne peut subsister sans un pouvoir de commandement et une force, et conséquemment sans des lois qui modèrent et contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein. Toutefois la nature humaine ne supporte pas d’être contrainte absolument, et comme le dit Sénèque le Tragique : nul n’a longtemps exercé un pouvoir de violence, un pouvoir modéré dure. Aussi longtemps en effet que les hommes agissent seulement par crainte, ils font ce qui est le plus contre leur volonté, et ne considèrent aucunement l’utilité et la nécessité de I’action, mais n’ont souci que de sauver leur tête et de ne pas s’exposer à subir un supplice. Bien plus, il leur est impossible de ne pas prendre plaisir au mal et au dommage du maître qui a pouvoir sur eux, fût-ce à leur grand détriment, de ne pas lui souhaiter du mal et lui en faire quand ils peuvent. Il n’est rien en outre que les hommes puissent moins souffrir qu’être asservis à leurs semblables et régis par eux. Rien de plus difficile enfin que de ravir aux hommes une liberté, après qu’on la leur a concédée.

[9] D’où suit premièrement que toute société doit, s’il est possible, instituer un pouvoir appartenant à la collectivité de façon que tous soient tenus d’obéir à eux-mêmes et non à leurs semblables ; si le pouvoir appartient à quelques-uns seulement ou à un seul, ce dernier doit avoir quelque chose de supérieur à la nature humaine ou du moins s’efforcer de son mieux de le faire croire au vulgaire. En second lieu, les lois devront être instituées en tout État de façon que les hommes soient contenus moins par la crainte que par l’espoir de quelque bien particulièrement désiré ; de la sorte chacun fera son office avec ardeur. Enfin, puisque l’obéissance consiste en ce qu’on exécute des commandements par soumission à la seule autorité du chef qui commande, on voit qu’elle n’a aucune place dans une société où le pouvoir appartient à tous et où les lois sont établies par le consentement commun ; et soit que, dans une société de cette sorte, les lois augmentent en nombre, soit qu’elles diminuent, le peuple n’en reste pas moins également libre, puisqu’il n’agit pas par soumission à l’autorité d’autrui, mais par son propre consentement. Il en va tout autrement quand un seul détient un pouvoir absolu ; tous alors exécutent les commandements du pouvoir par soumission à l’autorité d’un seul, et ainsi, à moins que les hommes n’aient été dressés dès le principe à être suspendus à la parole du chef qui commande, il lui sera difficile en cas de besoin d’instituer des lois nouvelles et d’enlever au peuple une liberté une fois concédée.

b) §§10-12 : L’organisation politique des Hébreux.

[10] Après ces considérations générales, revenons à l’organisation politique des Hébreux. A leur sortie d’Égypte, ils n’étaient tenus par le droit d’aucune nation, il leur était donc possible d’établir des lois nouvelles selon leur bon plaisir, c’est-à-dire de constituer un droit nouveau, de fonder leur État dans le lieu de leur choix et d’occuper les terres qu’ils voudraient. Ils n’étaient toutefois rien moins que préparés à établir sagement des règles de droit et à exercer le pouvoir collectivement puisque tous étaient d’une complexion grossière et déprimés par la servitude subie. Le pouvoir dut donc rester aux mains d’un seul, capable de commander aux autres, de les contraindre par la force, de prescrire enfin des lois et de les interpréter par la suite. Ce pouvoir, Moïse put aisément continuer de le détenir parce qu’il l’emportait sur les autres par une vertu divine comme il le persuada au peuple et le montra par de nombreux témoignages (voir Exode, chap. XIV, dernier verset, et chap. XIX, v. 9) ; il établit donc et imposa des règles de droit par la vertu divine qui le distinguait. Mais il prit le plus grand soin de faire que le peuple remplît son office moins par crainte que de son plein gré. Deux raisons principales l’y contraignaient : d’abord l’insoumission naturelle du peuple (qui ne souffrait pas d’être dominé par la force seule) et la menace d’une guerre exigeant, pour être heureuse, que les soldats fussent conduits plutôt par la persuasion que par des châtiments et des menaces ; de la sorte en effet, chacun s’efforce de se distinguer par son courage et sa grandeur d’âme plutôt que d’échapper seulement au supplice.


[11] Pour cette raison Moïse, par sa vertu divine et sur l’ordre divin, introduisit la religion dans l’État, de façon que le peuple fit son office plus par dévotion que par crainte. En second lieu il lia les Hébreux par des bienfaits et leur fit au nom de Dieu de nombreuses promesses pour l’avenir ; et il n’établit pas des lois d’une sévérité excessive. Tout cela, on nous l’accordera facilement, si l’on s’applique à l’étude de cette histoire, surtout si l’on a égard aux circonstances qui étaient requises pour la condamnation d’un coupable. Enfin, pour que le peuple, qui ne pouvait pas s’appartenir, fût suspendu à la parole du chef qui commandait, il ne permit pas que ces hommes accoutumés à la servitude fissent rien suivant leur bon plaisir ; car le peuple ne pouvait rien faire sans être tenu de se rappeler la loi et d’exécuter les commandements dépendant de la seule décision du chef. Il ne lui était pas permis de faire quoi que ce fût à sa guise, il était tenu de se conformer à un certain rite déterminé pour Iabourer, semer, moissonner ; de même il ne pouvait prendre de nourriture, se vêtir, se soigner la tête et la barbe, se réjouir, ni faire absolument quoi que ce fût, sinon en se conformant à des rites obligatoires et à des commandements prescrits par les lois. Et cela ne suffisait pas encore, il fallait aussi que sur les poteaux placés au seuil des maisons, dans les mains et entre les yeux il eût toujours quelque signe le rappelant à l’obéissance [5].

[12] Tel fut donc le but des cérémonies du culte : faire que les hommes n’agissent jamais suivant leur propre décret, mais toujours sur le commandement d’autrui, et reconnussent dans toutes leurs actions et dans toutes leurs méditations qu’ils ne s’appartenaient en rien mais étaient entièrement soumis à une règle posée par autrui. Il résulte de tout cela plus clair que le jour que les cérémonies du culte ne contribuent en rien à la béatitude, que celles que prescrit l’Ancien Testament, et même toute la Loi de Moïse, se rapportent uniquement à l’État des Hébreux et, en conséquence, à des commodités corporelles.

c) §13 : Les cérémonies du culte chrétien.


[13] Quant aux cérémonies du culte chrétien telles que le Baptême, la Communion du Seigneur, les fêtes, les oraisons externes et toutes celles qui peuvent exister en outre, et sont et ont toujours été communes à tous les chrétiens, si elles ont été instituées par le Christ ou les Apôtres (ce qui à mes yeux n’est pas encore bien établi), elles l’ont été à titre de signes extérieurs de l’Église universelle, non comme des choses qui contribuent à la béatitude ou qui aient en elles-mêmes aucun caractère sacré. C’est pourquoi, bien que ces cérémonies n’aient pas été instituées dans un intérêt politique [6], elles l’ont été cependant en vue de la Société entière, et en conséquence celui qui vit seul n’est nullement lié par elles bien plus, celui qui vit dans un État où la religion chrétienne est interdite, est tenu de s’abstenir de ces cérémonies et il pourra néanmoins vivre dans la béatitude. Un exemple de cette situation se trouve au Japon où la religion chrétienne est interdite ; les Hollandais qui habitent ce pays, sont tenus, par ordre de la Société des Indes Orientales, de s’abstenir de tout culte extérieur. Je ne pense pas, pour le moment, pouvoir confirmer cela par une autre autorité ; et, bien qu’il ne soit pas difficile de le déduire des principes du Nouveau Testament, et peut-être de le montrer en outre par des témoignages clairs, j’aime mieux laisser cette question parce que j’ai hâte d’en traiter une autre. Je continue donc et passe au deuxième point que j’ai décidé de traiter dans ce chapitre ; savoir, à quels hommes la foi aux Récits historiques contenus dans les livres saints est nécessaire et pour quelle raison. Pour faire cette recherche à l’aide de la lumière naturelle, il semble qu’on doive procéder de la manière suivante.



[1Par cette phrase il faut entendre rendu capable de perception. (Note de l’auteur.)

[2Hébraïsme, qui désigne le moment de la mort ; se réunir au troupeau des siens, signifie mourir (v. Genèse, chap. XLIX, v. 29, 33). (Note de l’auteur.)

[3Cela veut dire goûter un plaisir honnête, comme on dit ta hollandais : mit Godt en mit eere, « avec Dieu et avec honneur ». (Note de l’auteur.)

[4Par là il entend avoir le pouvoir, comme le cavalier tient en main sa monture. (Note de l’auteur).

[5Cf. Chap. XXXVII, §25 (note jld).

[6Trad. incertaine. Le texte dit plus exactement : « instituées dans l’intérêt de l’État » (trad. Lagrée) (note jld).

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