EV - Proposition 39 - scolie

  • 3 juillet 2004

Les Corps humains ayant un très grand nombre d’aptitudes, ils peuvent, cela n’est pas douteux, être d’une nature telle qu’ils se rapportent à des Âmes ayant d’elles-mêmes et de Dieu une grande connaissance et dont la plus grande ou la principale partie est éternelle, et telles qu’elles ne craignent guère la mort. Mais, pour connaître cela plus clairement, il faut considérer ici que nous vivons dans un changement continuel et qu’on nous dit heureux ou malheureux, suivant que nous changeons en mieux ou en pire. Qui d’enfant ou de jeune garçon passe à l’état de cadavre, est dit malheureux, et, au contraire, on tient pour bonheur d’avoir pu parcourir l’espace entier de la vie avec une Âme saine dans un Corps sain. Et réellement qui, comme un enfant ou un jeune garçon, a un corps possédant un très petit nombre d’aptitudes et dépendant au plus haut point des causes extérieures, a une Âme qui, considérée en elle seule, n’a presque aucune conscience d’elle-même ni de Dieu ni des choses ; et, au contraire, qui a un Corps aux très nombreuses aptitudes, a une Âme qui, considérée en elle seule, a grandement conscience d’elle-même et de Dieu et des choses. Dans cette vie donc nous faisons effort avant tout pour que le Corps de l’enfance se change, autant que sa nature le souffre et qu’il lui convient, en un autre ayant un très grand nombre d’aptitudes et se rapportant à une Âme consciente au plus haut point d’elle-même et de Dieu et des choses, et telle que tout ce qui se rapporte à sa mémoire ou à son imagination soit presque insignifiant relativement à l’entendement, comme je l’ai dit dans le Scolie de la Proposition précédente. [*]


Quia corpora humana ad plurima apta sunt, non dubium est quin ejus naturæ possint esse ut ad mentes referantur quæ magnam sui et Dei habeant cognitionem et quarum maxima seu præcipua pars est æterna atque adeo ut mortem vix timeant. Sed ut hæc clarius intelligantur, animadvertendum hic est quod nos in continua vivimus variatione et prout in melius sive in pejus mutamur, eo felices aut infelices dicimur. Qui enim ex infante vel puero in cadaver transiit, infelix dicitur et contra id felicitati tribuitur, quod totum vitæ spatium mente sana in corpore sano percurrere potuerimus. Et revera qui corpus habet ut infans vel puer ad paucissima aptum et maxime pendens a causis externis, mentem habet quæ in se sola considerata nihil fere sui nec Dei nec rerum sit conscia et contra qui corpus habet ad plurima aptum, mentem habet quæ in se sola considerata multum sui et Dei et rerum sit conscia. In hac vita igitur apprime conamur ut corpus infantiæ in aliud quantum ejus natura patitur eique conducit, mutetur quod ad plurima aptum sit quodque ad mentem referatur quæ sui et Dei et rerum plurimum sit conscia atque ita ut id omne quod ad ipsius memoriam vel imaginationem refertur, in respectu ad intellectum vix alicujus sit momenti, ut in scholio propositionis præcedentis jam dixi.


[*(Saisset :) Les corps humains étant propres à un grand nombre de fonctions, il n’y a aucun doute qu’ils puissent être d’une telle nature qu’ils correspondent à des âmes douées d’une grande connaissance d’elles-mêmes et de Dieu, et dont la plus grande partie ou la principale soit éternelle, des âmes, par conséquent, qui n’aient presque rien à craindre de la mort. Mais pour comprendre tout cela plus clairement, il faut remarquer que nous vivons dans une variation continuelle, et suivant que nous changeons en bien ou en mal, nous sommes heureux ou malheureux. On dit qu’un enfant est malheureux, quand la mort en fait un cadavre ; on appelle heureux, au contraire, celui qui dans le cours entier de sa carrière jouit d’une âme saine dans un corps plein de santé. Et, en effet, à un corps comme celui de l’enfant au berceau ou déjà grandi, c’est-à-dire à un corps qui n’est propre qu’à un petit nombre de fonctions et qui dépend principalement des causes extérieures, doit correspondre une âme qui n’a, considérée en soi, qu’une très faible conscience et de soi et de Dieu et des choses. Au contraire, un corps propre à un grand nombre de fonctions est joint à une âme qui possède à un très haut degré, considérée en soi, la conscience de soi et de Dieu et des choses. C’est pourquoi notre principal effort dans cette vie, c’est de transformer le corps de l’enfant, autant que sa nature le comporte et y conduit, en un autre corps qui soit propre à un grand nombre de fonctions et corresponde à une âme douée à un haut degré de la conscience de soi et de Dieu et des choses ; de telle sorte qu’en elle ce qui est mémoire ou imagination n’ait, au regard de la partie intelligente, presque aucun prix, comme nous l’avons déjà dit dans le Scol. de la Propos. précédente.

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