(4). EIV - Appendice - Chapitre 13

  • 29 juin 2004

De l’art et de la vigilance, toutefois, sont pour cela requis. Les hommes en effet sont divers (rares ceux qui vivent suivant les préceptes de la Raison) et cependant envieux pour la plupart, plus enclins à la Vengeance qu’à la Miséricorde. Pour les accepter tous avec leur complexion propre et se retenir d’imiter leurs affections, il est besoin d’une singulière puissance sur soi-même. Ceux qui, d’ailleurs, s’entendent à censurer les hommes et à flétrir leurs vices plus qu’à enseigner les vertus, à briser les âmes au lieu de les fortifier, sont insupportables à eux-mêmes et aux autres ; beaucoup, par suite, trop peu capables de patience et égarés par un zèle prétendu religieux, ont mieux aimé vivre parmi les bêtes que parmi les hommes ; ainsi des enfants et des adolescents, ne pouvant supporter d’une âme égale les reproches de leurs parents, se réfugient dans le service militaire ; ils préfèrent les peines de la guerre et le pouvoir sans contrôle d’un chef aux douceurs de la vie de famille avec les remontrances paternelles, et acceptent docilement quelque fardeau que ce soit, pourvu qu’ils se vengent de leurs parents. [*]


Sed ad hæc ars et vigilantia requiritur. Sunt enim homines varii (nam rari sunt qui ex rationis præscripto vivunt) et tamen plerumque invidi et magis ad vindictam quam ad misericordiam proclives. Unumquemque igitur ex ipsius ingenio ferre et sese continere ne eorum affectus imitetur, singularis animi potentiæ opus est. At qui contra homines carpere et vitia potius exprobrare quam virtutes docere et hominum animos non firmare sed frangere norunt, ii et sibi et reliquis molesti sunt ; unde multi præ nimia scilicet animi impatientia falsoque religionis studio inter bruta potius quam inter homines vivere maluerunt ut pueri vel adolescentes qui parentum jurgia æquo animo ferre nequeunt, militatum confugiunt et incommoda belli et imperium tyrannidis præ domesticis commodis et paternis admonitionibus eligunt et quidvis oneris sibi imponi patiuntur dummodo parentes ulciscantur.


[*(Saisset :) Mais ici beaucoup d’art et de vigilance sont nécessaires. Car les hommes sont de nature très diverse (ceux qui vivent selon la raison étant en bien petit nombre), et malgré cette diversité, la plupart sont envieux et plus enclins à la vengeance qu’à la miséricorde. Vivre avec chacun d’eux en se conformant à son caractère, et toutefois être assez maître de soi pour ne pas partager les passions que l’on ménage, c’est l’ouvrage d’une force d’âme singulière. Ceux au contraire qui ne savent que gourmander les hommes, qui tonnent contre les vices au lieu d’enseigner les vertus, qui brisent les âmes au lieu de les affermir, ceux-là sont insupportables aux autres et à eux-mêmes ; et c’est ce qui explique comment il s’en est rencontré plusieurs qu’une âme impatiente à l’excès et l’emportement d’un faux zèle religieux ont conduits à vivre avec les bêtes de préférence à la société des hommes : semblables à ces adolescents qui, faute de pouvoir supporter avec calme les querelles de leurs parents, se jettent dans le service militaire, bravant les charges de la guerre et la nécessité d’obéir à un tyran, sacrifiant les avantages de la vie de famille et les conseils d’un père, acceptant enfin les plus lourds fardeaux, pourvu qu’ils se vengent de leurs parents.

Dans la même rubrique

138(1). EIV - Appendice - Chapitre 1

Tous nos efforts ou Désirs suivent de la nécessité de notre nature de façon qu’ils se puissent connaître ou par elle seule comme par leur cause (...)

138(2). EIV - Appendice - Chapitre 2

Les Désirs qui suivent de notre nature de façon qu’ils se puissent connaître par elle seule, sont ceux qui se rapportent à l’Âme en tant qu’on (...)

138(3). EIV - Appendice - Chapitre 3

Nos actions, c’est-à-dire ces Désirs qui sont définis par la puissance de l’homme ou la Raison, sont toujours bonnes ; les autres désirs peuvent (...)

138(4). EIV - Appendice - Chapitre 4

Il est donc utile avant tout dans la vie de perfectionner l’Entendement ou la Raison autant que nous pouvons ; et en cela seul consiste la (...)

138(5). EIV - Appendice - Chapitre 5

Il n’y a donc point de vie conforme à la raison sans la connaissance claire ; et les choses sont bonnes dans la mesure seulement où elles aident (...)

138(6). EIV - Appendice - Chapitre 6

Puis donc que tout ce dont l’homme est cause efficiente, est nécessairement bon, rien de mauvais ne peut arriver à l’homme si ce n’est de causes (...)

EIV- Appendice - Chapitre 7

Il est impossible que l’homme ne soit pas une partie de la Nature et n’en suive pas l’ordre commun. Si, cependant, il vit parmi des individus (...)

EIV - Appendice - Chapitre 8

Tout ce qu’il y a dans la Nature que nous jugeons qui est mauvais, autrement dit, que nous jugeons capable d’empêcher que nous ne puissions (...)

EIV - Appendice - Chapitre 9

EIV- Appendice - Chapitre 7.
Rien ne peut mieux s’accorder avec la nature d’une chose que les autres individus de même espèce ; il n’y a (...)

142(1). EIV - Appendice - Chapitre 10

Dans la mesure où les hommes sont animés les uns contre les autres d’Envie ou de quelque affection de Haine, ils sont contraires les uns aux (...)

142(2). EIV - Appendice - Chapitre 11

Les cœurs ne sont cependant pas vaincus par les armes mais par l’Amour et la Générosité.
Animi tamen non armis sed amore et generositate vincuntur.

142(3). EIV - Appendice - Chapitre 12

Il est utile aux hommes, avant tout, d’avoir des relations sociales entre eux, de s’astreindre et lier de façon qu’ils puissent former un tout (...)

142(5). EIV - Appendice - Chapitre 14

Encore que les hommes se gouvernent en tout, le plus souvent suivant leur appétit sensuel, la vie sociale a cependant beaucoup plus de (...)

EIV - Appendice - Chapitre 15

EIV - Proposition 37 - scolie 1 et EIV - Proposition 37 - scolie 2 ; EIV - Proposition 46 - scolie ; EIV - Proposition 73 - scolie.
Ce qui (...)

144(1). EIV - Appendice - Chapitre 16

La concorde est encore engendrée par la Crainte mais sans bonne foi. De plus, la Crainte tire son origine de l’impuissance de l’âme et (...)

144(2). EIV - Appendice - Chapitre 17

Les hommes sont encore conquis par les largesses, ceux-là surtout qui n’ont pas de quoi se procurer les choses nécessaires à leur subsistance. (...)

EIV - Appendice - Chapitre 18

EIV - Proposition 70 - scolie ; EIV - Proposition 71 - scolie.
Dans l’acceptation des bienfaits et les témoignages de reconnaissance à (...)

EIV - Appendice - Chapitre 19

EIII - Proposition 31 - scolie.
L’amour sensuel, c’est-à-dire l’appétit d’engendrer qui naît de la beauté, et en général tout Amour ayant (...)

147(1). EIV - Appendice - Chapitre 20

Pour le mariage, il est certain qu’il s’accorde avec la Raison si le Désir de l’union des corps n’est pas engendré seulement par la beauté, mais (...)

147(2). EIV - Appendice - Chapitre 21

La flatterie encore engendre la concorde ; mais avec la souillure de la servitude ou la mauvaise foi : nul n’est plus conquis par la flatterie (...)

EIV - Appendice - Chapitre 22

EIV - Proposition 57 - scolie.
La Mésestime de soi a une fausse apparence de moralité et de religion ; et, bien que la Mésestime de soi (...)

149(1). EIV - Appendice - Chapitre 23

La Honte en outre ne contribue à la concorde qu’en ce qui ne peut rester caché. Puisque, d’autre part, la Honte est une espèce de Tristesse, (...)

149(2). EIV - Appendice - Chapitre 24

Les autres affections de Tristesse dirigées contre des hommes sont directement opposées à la justice, à l’équité, à l’honnêteté, à la moralité (...)

EIV - Appendice - Chapitre 25

EIV - Proposition 37 - scolie 1.
La Modestie, c’est-à-dire le Désir de plaire aux hommes, quand la Raison le détermine, se ramène à la (...)

EIV - Appendice - Chapitre 26

Outre les hommes, nous ne savons dans la Nature aucune chose singulière dont l’Âme nous puisse donner de la joie, et à laquelle nous puissions (...)

EIV - Appendice - Chapitre 27

EIV - Proposition 38 ; EIV - Proposition 39.
L’utilité qui se tire des choses extérieures, outre l’expérience et la connaissance acquises (...)

EIV - Appendice - Chapitre 28

Pour se procurer ce nécessaire, les forces de chacun ne suffiraient guère si les hommes ne se rendaient de mutuels services. L’argent est devenu (...)

EIV - Appendice - Chapitre 29

Cela, toutefois, n’est un vice que chez ceux qui sont en quête d’argent, non par besoin ni pour pourvoir aux nécessités de la vie, mais parce (...)

EIV - Appendice - Chapitre 30

EIV - Proposition 44 - scolie ; EIV - Proposition 60 - scolie.
Ces choses donc étant bonnes qui aident les parties du Corps à s’acquitter de (...)

EIV - Appendice - Chapitre 31

EIV - Proposition 45 - scolie.
La superstition, au contraire, semble admettre que le bien, c’est ce qui apporte de la Tristesse ; le mal, ce (...)

EIV - Appendice - Chapitre 32

Mais la puissance de l’homme est extrêmement limitée et infiniment surpassée par celle des causes extérieures ; nous n’avons donc pas un pouvoir (...)