EIV - Proposition 29

  • 16 juin 2004

Une chose singulière quelconque, dont la nature est entièrement différente de la nôtre, ne peut ni seconder ni réduire notre puissance d’agir, et, absolument parlant, aucune chose ne peut être bonne ou mauvaise pour nous, si elle n’a quelque chose de commun avec nous.

DÉMONSTRATION

La puissance par laquelle une chose singulière quelconque, et conséquemment (Coroll. de la Prop. 10, p. II) l’homme, existe et produit quelque effet, n’est jamais déterminée que par une autre chose singulière (Prop. 28, p. I), dont la nature doit être connue par le moyen du même attribut qui permet de concevoir la nature humaine [1]. Notre puissance d’agir, donc, de quelque manière qu’on la conçoive, peut être déterminée, et conséquemment secondée ou réduite, par la puissance d’une autre chose singulière ayant avec nous quelque chose de commun, et non par la puissance d’une chose dont la nature est entièrement différente de la nôtre ; et puisque nous appelons bon ou mauvais ce qui est cause de Joie ou de Tristesse (Prop. 8), c’est-à-dire (Scolie de la Prop. 11, p. III) ce qui accroît ou diminue, seconde ou réduit notre puissance d’agir, une chose dont la nature est entièrement différente de la nôtre, ne peut être pour nous ni bonne ni mauvaise. C.Q.F.D. [*]


Res quæcunque singularis cujus natura a nostra prorsus est diversa, nostram agendi potentiam nec juvare nec coercere potest et absolute res nulla potest nobis bona aut mala esse nisi commune aliquid nobiscum habeat.

DEMONSTRATIO :

Cujuscunque rei singularis et consequenter (per corollarium propositionis 10 partis II) hominis potentia qua existit et operatur, non determinatur nisi ab alia re singulari (per propositionem 28 partis I) cujus natura (per propositionem 6 partis II) per idem attributum debet intelligi per quod natura humana concipitur. Nostra igitur agendi potentia quomodocunque ea concipiatur, determinari et consequenter juvari vel coerceri potest potentia alterius rei singularis quæ aliquid commune nobiscum habet et non potentia rei cujus natura a nostra prorsus est diversa et quia id bonum aut malum vocamus quod causa est lætitiæ aut tristitiæ (per propositionem 8 hujus) hoc est (per scholium propositionis 11 partis III) quod nostram agendi potentiam auget vel minuit, juvat vel coercet, ergo res cujus natura a nostra prorsus est diversa nobis neque bona neque mala esse potest. Q.E.D.


[1Il manque ici, le renvoi suivant : prop. 6, p.II

[*(Saisset :) Toute chose particulière dont la nature est entièrement différente de la notre ne peut ni favoriser ni empêcher notre puissance d’agir, et il est absolument impossible qu’une chose nous soit bonne ou mauvaise si elle n’a avec nous rien de commun. Démonstration La puissance d’exister et d’agir de toute chose particulière, et partant (en vertu du Coroll. de la Propos. 10, part. 2) celle de l’homme, ne peut être déterminée que par une autre chose particulière (en vertu de la Propos. 28, part. 1) dont la nature se comprenne par son rapport à ce même attribut auquel se rapporte la nature humaine (par la Propos. 6, part. 2). Par conséquent notre puissance d’agir, de quelque façon qu’on la conçoive, ne peut être déterminée et partant favorisée ou empêchée que par la puissance d’une autre chose particulière qui ait avec nous quelque point commun, et elle ne peut pas l’être par la puissance d’une chose dont la nature serait entièrement différente de la nôtre. Or, comme nous appelons bien ou mal ce qui est pour nous une cause de joie ou de tristesse (par la Propos. 8), c’est-à-dire (par le Scol. de la Propos. 11, part. 3), ce qui augmente ou diminue, favorise ou empêche notre puissance d’agir, il s’ensuit qu’une chose dont la nature est entièrement différente de la nôtre ne peut nous être ni bonne ni mauvaise. C. Q. F. D.

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