EV - Proposition 9

  • 3 juillet 2004

Une affection se rapportant à plusieurs causes différentes, que l’Âme considère en même temps qu’elle est affectée, est moins nuisible, nous en pâtissons moins et nous sommes moins affectés à l’égard de chaque cause en particulier, que s’il s’agissait d’une autre affection également grande se rapportant à une seule cause ou à un nombre moindre de causes.

DÉMONSTRATION

Une affection n’est mauvaise ou nuisible qu’en tant qu’elle empêche l’Âme de penser (Prop. 26 et 27, p. IV) ; par suite, cette affection par laquelle l’Âme est déterminée à considérer plusieurs objets à la fois, est moins nuisible qu’une autre également grande retenant l’Âme dans la seule considération d’un objet unique ou d’un nombre moindre d’objets, de façon qu’elle ne puisse penser à d’autres ; ce qui était le premier point. De plus, puisque l’essence de l’Âme, c’est-à-dire sa puissance (Prop. 7, p. III), consiste dans la seule pensée (Prop. 11, p. II), l’Âme pâtit moins d’une affection qui lui fait considérer plusieurs objets que d’une affection également grande tenant l’Âme occupée à la seule considération d’un objet unique ou d’un nombre moindre d’objets ; ce qui était le second point. Enfin, cette affection (Prop. 48, p. III), d’autant qu’elle se rapporte à plusieurs causes extérieures, est moindre à l’égard de chacune. C.Q.F.D. [*]


Affectus qui ad plures et diversas causas refertur quas mens cum ipso affectu simul contemplatur, minus noxius est et minus per ipsum patimur et erga unamquamque causam minus afficimur quam alius æque magnus affectus qui ad unam solam vel pauciores causas refertur.

DEMONSTRATIO :

Affectus eatenus tantum malus seu noxius est quatenus mens ab eo impeditur quominus possit cogitare (per propositiones 26 et 27 partis IV) adeoque ille affectus a quo mens ad plura simul objecta contemplandum determinatur, minus noxius est quam alius æque magnus affectus qui mentem in sola unius aut pauciorum objectorum contemplatione ita detinet ut de aliis cogitare nequeat, quod erat primum. Deinde quia mentis essentia hoc est (per propositionem 7 partis III) potentia in sola cogitatione consistit (per propositionem 11 partis II) ergo mens per affectum a quo ad plura simul contemplandum determinatur, minus patitur quam per æque magnum affectum qui mentem in sola unius aut pauciorum objectorum contemplatione occupatam tenet, quod erat secundum. Denique hic affectus (per propositionem 48 partis III) quatenus ad plures causas externas refertur, est etiam erga unamquamque minor. Q.E.D.


[*(Saisset :) Une affection qui se rapporte à plusieurs causes diverses que l’âme aperçoit en même temps que l’affection elle-même est moins nuisible qu’une affection de même force, mais qui se rapporte à un petit nombre de causes ou à une seule ; l’âme en pâtit moins, et elle est moins affectés par chacune de ces causes diverses qu’elle ne le serait par une cause unique ou par un petit nombre de causes. Démonstration Une affection n’est mauvaise ou nuisible qu’en tant qu’elle empêche l’âme de penser (par les Propos. 26 et 27, part. 4) ; et par conséquent, toute affection qui détermine l’âme à considérer à la fois plusieurs objets est moins nuisible qu’une autre affection de même force, mais qui tient l’âme attachée à la condition d’un seul objet ou d’un petit nombre d’objets avec une telle force qu’elle ne peut penser à aucun autre ; voilà le premier point. En second lieu, l’essence de l’âme ou sa puissance (par la Propos. 7, part. 3) consistant dans la seule pensée (par la Propos. 11, part. 2), l’âme pâtit moins d’une affection qui la détermine à penser à la fois à plusieurs objets qu’elle ne ferait d’une affection de force égale, mais qui tiendrait l’âme attachée à la considération d’un objet unique ou d’un petit nombre d’objets : voilà le second point. Enfin, cette première affection, en tant qu’elle se rapporte d’un plus grand nombre de causes extérieures, doit être moindre à l’égard de chacune (par la Propos. 48, part. 3). C. Q. F. D.

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