Traité politique, VIII, §36

  • 13 mai 2005


L’office de ces Consuls, nous l’avons dit, est de convoquer le Sénat quand quelques-uns d’entre eux, même en petit nombre, le jugent utile, et de lui soumettre les affaires, de le congédier ensuite et d’exécuter ses décisions sur les affaires publiques. Je dirai brièvement suivant quelle procédure cette consultation doit avoir lieu, pour éviter que les choses ne traînent en longueur. Les Consuls délibéreront sur la question à soumettre au Sénat et, s’ils sont tous d’accord, une fois le Sénat convoqué et la question exposée, ils donneront connaissance de leur opinion et recueilleront les suffrages dans l’ordre établi sans attendre qu’une autre opinion soit émise. Mais si les Consuls sont divisés d’opinion, alors l’opinion de la majorité d’entre eux sera d’abord exposée au Sénat et, si elle n’a pas l’approbation de la majorité du Sénat et des Consuls, et que dans un scrutin où chacun exprime son opinion au moyen de boules, le nombre des hésitants ou des opposants soit plus grand, alors l’opinion à laquelle se sont ralliés le plus de Consuls ne faisant point partie de la majorité, sera exposée et examinée avec soin et ainsi des autres. Si aucune opinion n’a l’approbation du Sénat, on le renverra jusqu’au jour suivant ou à une date plus éloignée et les Consuls mettront ce temps à profit pour voir s’ils peuvent trouver une autre mesure plus capable d’être agréée par le Sénat. S’ils n’en trouvent aucune, ou si celle qu’ils auront trouvée n’obtient pas l’approbation de la majorité du Sénat, alors chaque opinion sera exposée devant le Sénat et s’il ne se rallie à aucune, il y aura sur chacune un nouveau scrutin par boules, dans lequel on fera non seulement le compte des suffrages favorables, comme précédemment, mais aussi des hésitants et des opposants ; s’il y a plus de suffrages favorables que d’hésitants et d’opposants, l’opinion mise aux voix sera tenue pour adoptée, elle sera écartée au contraire s’il y a plus d’opposants que d’hésitants et de suffrages favorables. Mais si, sur toutes les opinions, le nombre des hésitants est plus grand que celui des opposants et des suffrages favorables, le conseil des syndics sera adjoint au Sénat et participera au vote, les boules représentant l’approbation ou l’opposition étant seules comptées, celles des hésitants négligées. Au sujet des affaires déférées par le Sénat à l’Assemblée suprême, on observera la même procédure. Voilà ce que j’avais à dire au sujet du Sénat.


Traduction Saisset :

J’ai dit en outre que l’office de ces consuls est de convoquer le Sénat, quand quelques-uns d’entre eux, fussent-ils en petit nombre, le jugent nécessaire, de proposer au Sénat les décisions à prendre, de le congédier et d’exécuter ses décrets touchant les affaires publiques. Or dans quel ordre tout cela se fera-t-il ? c’est ce que je vais dire en peu de mots, évitant les longueurs inutiles.

Les consuls délibéreront sur l’affaire qui doit être proposée au Sénat et sur ce qu’il convient de décider. Si tous se sont trouvés d’accord, ils convoquent le Sénat, exposent la question, disent leur avis, et, sans attendre l’avis des autres, recueillent les suffrages. Si, au contraire, il y a diversité d’opinion, alors on commence par communiquer au Sénat l’avis de la majorité des consuls. Cet avis n’est-il pas approuvé par la majorité du Sénat, y a-t-il un nombre de voix opposantes ou incertaines plus grand qu’il ne doit être, et constaté, comme il a été dit, par des boules, les consuls alors font connaître l’avis qui a eu parmi eux moins de suffrages que le précédent, et ainsi de suite pour les autres avis proposés. Que si aucun de ces avis n’est approuvé par la majorité du Sénat tout entier, le Sénat s’ajourne pour le lendemain, afin que les consuls cherchent dans l’intervalle s’ils ne peuvent pas trouver un avis qui plaise davantage à la majorité. Ne trouvent-ils aucun expédient ou ne parviennent-ils pas à le faire accepter de la majorité ; on invite alors chaque sénateur à dire son avis, et si aucun avis ne réunit la majorité, il faut alors prendre de nouveau les suffrages sur chaque avis, en tenant compte, non plus seulement, comme on l’a fait jusqu’ici, des boules approbatives, mais aussi des opposantes et des incertaines. Si on trouve un nombre de voix approbatives supérieur au nombre des voix opposantes ou des voix incertaines, l’avis proposé demeure ratifié ; il est nul, au contraire, si le nombre des opposants est plus grand que celui des incertains et des approbateurs.
Admettez maintenant que pour tous les avis il y ait plus d’incertains que d’opposants et d’approuvants, dans ce cas le conseil des syndics devra se réunir au Sénat et voter avec lui, avec cette précaution de n’employer que des boules approbatives ou opposantes et de laisser de côté les votes incertains. On procédera de la même manière à l’égard des affaires soumises par le Sénat à l’Assemblée suprême. Voilà ce que j’avais à dire du Sénat.


Horum praeterea officium esse diximus, senatum, quando eorum aliqui, licet pauci sint, opus esse iudicaverint, convocare, resque in eodem decernendas proponere, senatum dimittere, eiusque de negotiis publicis decreta exsequi. Quo autem id fieri ordine debeat, ne res inutilibus quaestionibus diu protrahantur, paucis iam dicam. Nempe consules de re in senatu proponenda, et quid factu opus sit consulant, et si de eo omnibus una fuerit mens, tum convocato senatu, et quaestione ordine exposita quaenam eorum sit sententia doceant, nec alterius sententia exspectata suffragia ordine colligant. Sed si consules plures, quam unam sententiam foverint, tum in senatu illa de quaestione proposita sententia prior dicenda erit, quae a maiori consulum numero defendebatur ; et si eadem a maiori senatus et consulum parte non fuerit probata, sed quod numerus dubitantium et negantium simul maior fuerit, quod ex calculis, ut iam monuimus, constare debet, tum alteram sententiam, quae pauciora, quam prior, habuerit inter consules suffragia, doceant, et sic porro reliquas. Quod si nulla a maiori totius senatus parte probata fuerit, senatus in sequentem diem aut in tempus breve dimittendus, ut consules interim videant, num alia media, quae magis possint placere, queant invenire. Quod si nulla alia invenerint, vel si, quae invenerint, senatus maior pars non probaverit, tum senatoris cuiusque sententia audienda est, in quam si etiam maior senatus pars non iverit, tum de unaquaque sententia iterum suffragia ferenda, et non tantum affirmantium, ut huc usque factum, sed dubitantium etiam et negantium calculi numerandi sunt, et si plures reperientur affirmantes, quam dubitantes aut negantes, ut tum sententia rata maneat, et contra irrita, si plures invenientur negantes, quam dubitantes aut affirmantes ; sed si de omnibus sententiis maior dubitantium quam negantium aut affirmantium fuerit numerus, ut tum syndicorum concilium senatui adiungatur, qui simul cum senatoribus suffragia ferant, calculis solummodo affirmantibus aut negantibus, omissis iis, qui animum ambiguum indicant. Circa res, quae ad supremum concilium a senatu deferuntur, idem ordo tenendus est. Haec de senatu.

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