EIV - Proposition 36 - scolie


Quelqu’un demande-t-il : mais si le bien suprême de ceux qui sont des suivants de la vertu n’était pas commun à tous, ne s’ensuivrait-il pas, comme ci-dessus (Prop. 34), que les hommes qui vivent sous la conduite de la Raison, c’est-à-dire les hommes en tant qu’ils s’accordent en nature (Prop. 35), seraient contraires les uns aux autres ? Qu’il tienne pour répondu que, non par accident, mais par une conséquence de la nature même de la Raison, il advient que le bien suprême de l’homme est commun à tous, cela se déduisant de l’essence même de l’homme en tant qu’elle est définie par la Raison ; l’homme ne pouvant ni être ni être conçu s’il n’avait le pouvoir de tirer de la joie de ce bien suprême. Il appartient, en effet, à l’essence de l’Âme humaine (Prop. 47, p. II) d’avoir une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu. [*]


Si quis autem roget quid si summum bonum eorum qui virtutem sectantur, non esset omnibus commune ? an non inde ut supra (vide propositionem 34 hujus) sequeretur quod homines qui ex ductu rationis vivunt hoc est (per propositionem 35 hujus) homines quatenus natura conveniunt, essent invicem contrarii ? Is hoc sibi responsum habeat non ex accidenti sed ex ipsa natura rationis oriri ut hominis summum bonum omnibus sit commune, nimirum quia ex ipsa humana essentia quatenus ratione definitur, deducitur et quia homo nec esse nec concipi posset si potestatem non haberet gaudendi hoc summo bono. Pertinet namque (per propositionem 47 partis II) ad mentis humanæ essentiam adæquatam habere cognitionem æternæ et infinitæ essentiæ Dei.

[*(Saisset :) On m’adressera peut-être cette question : Si le souverain bien de ceux qui suivent la vertu n’était pas commun à tous, ne s’ensuivrait-il pas, comme plus haut (par la Propos. 34), que les hommes, en tant qu’ils vivent suivant la raison, c’est-à-dire (par la Propos. 35), en tant qu’ils sont en conformité parfaite de nature, sont contraires les uns aux autres ? Je réponds à cela que ce n’est point par accident, mais par la nature même de la raison, que le souverain bien des hommes leur est commun à tous. Le souverain bien, en effet, est de l’essence même de l’homme en tant que raisonnable, et l’homme ne pourrait exister ni être conçu s’il n’avait pas la puissance de jouir de ce bien souverain, puisqu’il appartient à l’essence de l’âme humaine (par la Propos. 47, Part. 2) d’avoir une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu.