"Spinoza et Boxel. Une histoire de fantômes", par Gunther Coppens

  • 4 mai 2004

Le contexte historique

Au cours de l’année 1672, l’armée hollandaise, sous le commandement de Guillaume III, était en train de perdre la guerre. Des tas de villes se rendaient. Le 13 juin de cette année, la ville d’Utrecht capitulait. En novembre 1673, la ville fut prise par les troupes françaises du Prince de Condé. Le pouvoir y était exercé par Jean-Baptiste Stouppa qui fut nommé commandeur de la ville [1] et qui avait aussi écrit un livre sur La religion des hollandais [2]. Par ce livre, Stouppa, qui était lui-même d’origine française protestante, voulait convaincre les théologiens suisses qu’il n’était pas entrain de combattre des coreligionnaires. Les Hollandais ne semblaient être que des Chrétiens pieux. En réalité, nous disait Stouppa, ils sont trop indolents vis-à-vis des libres-penseurs, des sectes et des athées. L’exemple que Stouppa donna pour appuyer sa raison était celui de Spinoza. Néanmoins, il était en même temps impressionné par ce philosophe érudit. En juin 1673, Stouppa accompagna Spinoza, qui avait été invité par le Prince de Condé, à Utrecht. Il ne parla probablement jamais au Prince de Condé car celui-ci était ailleurs pour affaires, mais à Utrecht, Spinoza fut en bonne compagnie. II semble qu’il ait rencontré Van Velthuysen et Graevius, deux de ses critiques. C’est probablement â cette occasion que, selon certains biographes, Spinoza dut rencontrer Hugo Boxel.

Qui était Hugo Boxel ?

Mais, qui est cet Hugo Boxel, l’écrivain des lettres sur les spectres ? Dans les notes sur la correspondance des Œuvres Complètes de Spinoza on lit "qu’on ne sait presque rien de lui, sinon qu’il fit ses études à Leyde en 1668. II est donc jeune quand il écrit ces lettres. Elles n’ont guère d’intérêt - vu le peu d’intelligence de leur auteur, - mais les réponses de Spinoza sont remarquables." [3] Ces propos ne sont pas tout à fait vrais, pour le dire poliment.

On ne sait pas exactement quand Hugo Boxel est né. Certaines sources nous disent en 1607 [4], d’autres disent qu’il est né en 1612 à Heusden, la commune où Gisbertus Voetius (1589-1676), plus tard le plus grand adversaire de Descartes à Utrecht, était né et ou celui était ministre en 1617 [5]. Le frère de Voetius y était directeur de l’école latine. Boxel s’y maria avec Anna Ewouts van Waelwijck le 30 juin 1637 [6]. La famille Boxel déménagea à Gorcum ou Gorinchem où, dans les archives de la ville, on ne retrouve pas beaucoup le nom de Hugo, mais plutôt le nom de son frère Adriaen. C’était aussi à Gorcum que Hugo, qui était en même temps répertorié comme avocat de la cour d’Hollande, fut secrétaire de la ville de 1634 à 1645 et de 1655 à 1659, et pensionnaire de 1660 à 1671. En 1672, l’année de la révolte des Pays Bas, il fut dispensé comme pensionnaire [7].

En 1652, Adriaen devint diacre de la commune de Gorcum. Deux ans plus tard, en 1654, Hugo devint ouderling', ancien, et le resta jusqu'à 1659. Dans les archives de l'église protestante de Gorcum, son nom est régulièrement mentionné. A la même époque, à Gorcum il existait également une communauté de catholiques qui ne respectait pas toujours les règles du Sabbat. Ils organisaient des marchés où ils vendaient du genièvre ce qui donnait souvent lieu à des scènes d'ivresse, des engueulades contre les réformés, des insultes. C'était à ces occasions que Hugo avait le rôle d'apaiser les gens. Mais Hugo Boxel était aussi érudit. Dans un livre de 1743 sur l'histoire de la ville de Heusden on lit que "M. Hugo Boxel, secrétaire de la ville de Gorinchem, {Magister Artium et Philosophiae} à Leyde, et {Doctor Juris} en France, qui a fait des études dans les langues grecque et hébraïque, la poésie, la philosophie, la théologie et le droit."[[Oudenhoven, J. van, Beschryvinge der stadt Heusden, Amsterdam, 1743]] De ses études de droits en France, on ne retrouve plus rien. De ses études à Leyde, au contraire, il reste davantage. On sait par exemple qu'il étudiait chez Franco Burgersdijk et qu'il y défendait des disputes. En 1624, il défendait deux disputes sub {praeside }de Burgersdijk : le 10 juillet une dispute {De Mundo et Coelo} et le 30 novembre {De sensu interno, de appetitu sensitivo et locomotivo[[Dibon, P., L Enseignement philosophique dans les universités néerlandaises à l'époque précartésienne (1575-1650), p. 125]]. }Le 19 mai 1626 il reçoit[[Le NNBW signale que la promotion a eu lieu le 14 juillet 1626.]] sa promotion à la maîtrise des arts[[Dibon, P., L Enseignement philosophique dans les universités néerlandaises à l'époque précartésienne (1575-1650), p. 121]]. Aujourd'hui sa dispute inaugurale est conservée au British Library[[Boxel, H., Disputatio inauguralis continens assertiones miscellaneas philosophicas, etc, Lugduni Batavorum, 1626, [British Library, recueil 534. C. 36 (62)]]]. Pour le reste, on peut signaler qu'il y a deux livres de Hugo Boxel. Le premier est une édition annotée et commentée de Hector Felicius {De communione et Societate deque lucro et quaestu[[Boxel, H., Felicius, H., De communione et Societate deque lucro et quaestu, Gorinchem, 1666.]]. }Le deuxième est une étude de Cornelius Neostadius intitulé {De Foedi Juris Scripti, & Hollandici, West-Frisicique successione }à laquelle Boxel a collaboré. En fait, il écrivit presque trois-quarts de ce livre dans lequel il révèle parfois ses sympathies politiques[[Klever, W., "De spoken van Hugo Boxel", in BZZLETINLiterair Magazine, no. 204, [p. 53-64], p. 64]]. Il y faisait l'éloge de Jean de Witt, le pensionnaire d'état de Hollande. II n'y a donc rien d'étonnant au fait que Guillaume III le congédia en 1672[[Neostadius , C., Boxelius , H., De feudi juris scripti, & Hollandici, West-Frisicique successione, Gorinchemi, 1670, p. 191]]. {{{Le contenu de la correspondance}}} Analysons maintenant de plus près le texte de la correspondance. Hugo Boxel écrivit sa première lettre le 14 septembre 1674. Il y demandait à Spinoza ce qu'il pensait des apparitions, des spectres et des revenants. "Croyez-vous qu'ils existent ? Combien de temps dure leur existence à votre avis? "[[Spinoza, {Œuvre Complètes}, ed. Caillois, Francès, Misrahi Paris, 1954, p. 1231]] Quand on lit ces questions que pose Boxel il faut bien comprendre que le contexte du dix-septième siècle était différent du nôtre. Boxel croyait à l'existence des spectres. Voyant le caractère philosophique de Spinoza, Boxel insistait dès sa première lettre sur le fait qu'il n'était pas le seul à le croire. "Une chose est certaine" il écrit, "les Anciens y ont cru. Les théologiens et les philosophes modernes admettent jusqu'à présent l'existence de pareilles créatures, bien qu'ils ne soient pas d'accord sur leur essence. Les uns les croient constitués d'une matière très subtile, les autres prétendent que ce sont des êtres spirituels."[[Spinoza, {Œuvres Complètes}, p. 1232]] Depuis le premier paragraphe de la première lettre, on peut se demander pourquoi Boxel écrivait ces lettres à Spinoza. II était convaincu de l'existence des spectres et il pouvait compter sur l'autorité des {Anciens }et des {Théologiens et philosophes modernes. }Pourquoi alors poser encore la question à quelqu'un dont on sait d'avance qu'il n'est pas à convaincre? Ou Boxel est naïf et croit que Spinoza est encore à sauver, ce qui n'est pas évident étant donner que Boxel a du rencontrer Spinoza. A la base de l'atmosphère des lettres, il faut plutôt croire que Boxel savait bien quel sorte de philosophe Spinoza était et que c'était juste à cause de cela qu'il lui écrivit une lettre sur cette affaire. Boxel l'admet d'ailleurs directement quand il écrit qu'ils sont peut-être entièrement en désaccord parce qu'il est douteux que Spinoza aille reconnaître l'existence des spectres. La réponse de Spinoza à cette première lettre est conforme à l'attitude d'un homme correct, mais néanmoins très clair et direct. Spinoza trouve queles niaiseries et les imaginations peuvent lui être aussi utiles’ que les choses vraies [8]. Il demande d’abord à Boxel de lui donné deux histoires qui prouvent l’existence des spectres. Mais il ajoute directement qu’il n’a jamais connu d'auteur digne de foi pour en prouver clairement l'existence.' Spinoza admet qu'il y a des choses inexplicables, mais appeler ceschoses’ des spectres est irrationnel car il y a tas de choses inexplicables à défaut de connaissance.

Très vite , Spinoza reçoit la réponse de Boxel. Boxel lui donne quatre arguments par lesquels des spectres doivent exister. "D’abord, parce que cela importe à la beauté et à la perfection de l’univers. Secondement, parce qu’il est vraisemblable que le Créateur a créé ces êtres qui lui ressemblent plus que les créatures corporelles. Troisièmement, parce qu’il existe une âme sans corps aussi bien qu’un corps sans âme. Enfin, parce que, je crois que, dans les hautes régions de l’air, dans le lieu ou l’espace le plus élevé, il n’y a pas de corps inconnu qui n’ait ses habitants et, par conséquent, que l’immense espace compris entre nous et les astres n’est pas vide mais rempli d’habitants spirituels." [9] Boxel y ajoute encore qu’il croit qu’il y a des esprits de tout genre, sauf peut-être du sexe féminin. Pour montrer que ce n’est pas lui qui doit défendre ses idées, mais que c’est Spinoza qui doit prouver sa raison il cite Plutarque, Suétone, Wierus, Lavater, Cardan et même Melanchton, théologien réformateur bien connu, comme autorités. Plutarque et Suétone sont bien connus. Wierus (1515-1588) était un médecin renommé qui s’opposait fort à des procès de sorcières. Il croyait que les sorcières étaient en fait des personnes mentalement troublées [10]. Lavater (1527-1586) était ministre à Zürich et ses écrits sur les spectres étaient traduits en néerlandais [11]. Enfin Cardan (1501-1576) qui avait dû abandonner son professorat à Bologne à cause d’une description astrologique de la vie de Jésus qu’il avait écrit [12].

Boxel confessait que sa croyance n’était pas seulement basée sur les autorités philosophiques mais qu’il parlait même d’expérience personnelle. A cette occasion, il nous raconte l’histoire d’un bourgmestre, connaissance personnelle de Boxel, qui avait vu des fantômes dans la brasserie de sa mère. A la fin de la lettre, il donne encore les noms d’autorités antiques pour convaincre Spinoza qu’on n’en parle pas pour la première fois : Pline le Jeune, Suétone et Valère Maxime. Boxel choisissait ces auteurs en particuliers parce qu’il pensait qu c’était plus facile pour Spinoza de contrôler les oeuvres indiquées. Petite remarque, Boxel parle de Pline le jeune et sa Lettre à Sura. Cette lettre commence par : "Le loisir dont nous jouissons vous permet d’enseigner et me permet d’apprendre. Je voudrais donc bien savoir si les fantômes ont quelque chose de réel, s’ils ont une vraie figure, si ce sont des génies, ou si ce ne sont que de vaines images qui se tracent dans une imagination troublée par la crainte [13]. Il semble que Boxel, qui était à ses loisirs, ait été inspiré surtout par cette lettre.

Dans sa réponse, Spinoza commence par s’excuser pour sa réponse tardive, car il n’avait pas eu directement la possibilité de consulter les livres cités par Boxel. Néanmoins Spinoza trouva les livres de Pline et Suétone et fut très vite convaincu de l’absurdité de l’argumentation de ces auteurs. Spinoza ne dit pas que ces auteurs sont des sots, au contraire, il s’étonne que des hommes sages gaspillent leurs talents à des sujets pareils.

Dans les phrases suivantes, Spinoza se moque du fait que Boxel croit qu’il y a des spectres masculins, mais pas de spectres féminins. Dans ce sens, il ajoute : "Je vois que vos raisons vous paraissent inébranlables et si bien fondées que nul, d’après vous du moins, ne les peut réfuter, sinon celui qui croirait, à tort, que le monde est un produit du hasard [14]. Il est clair que Spinoza ait exigé d’expliquer son point de vue sur ce thème.

Dans les paragraphes suivants, Spinoza répond aux arguments de Boxel. Le premier argument est que"d’abord, cela importe à la beauté et à la perfection de l’univers" [15]. Spinoza nous dit que la beauté est en fait relative. La question est alors de savoir si Dieu a créé le monde en faveur de la beauté perceptible par nos yeux ou que Dieu a créé nos yeux en faveur de la beauté du monde. En plus, nous devons bien savoir qu’une chose d’une grande beauté peut être affreuse si nous le mettons sous un microscope. Le deuxième argument dont Boxel fait usage est : "Qu’il est vraisemblable que le Créateur a créé ces êtres qui lui ressemblent plus que les créatures corporelles." [16] Spinoza y répond en rétorquant qu’il ne sait pas dans quelle mesure les spectres expriment Dieu mieux que les autres créatures. Il fait alors la remarque qu’il n’y a d’ailleurs pas de comparaison possible entre l’infini et le fini. Il continue alors en ajoutant qu’on ne peut pas comparer Dieu avec les autres créatures.

Le troisième argument est conçu ainsi : "Il existe une âme sans corps aussi bien qu’un corps sans âme [17]. Spinoza le trouve simplement non valable, car est-ce qu’on doit alors supposer des sens sans corps ? Cet argument plutôt cartésien est vite passé par Spinoza.

La critique sur le premier argument est la même que pour le quatrième et dernier argument "Enfin, dans les hautes régions de l’air, dans le lieu ou l’espace le plus élevé, il n’y a pas de corps inconnu qui n’ait ses habitants et, par conséquent, que l’immense espace compris entre nous et les astres n’est pas vide mais rempli d’habitants spirituels. [18]" Spinoza se demande qui sont ces créatures mentionnées par Boxel. Et d’autre part, il remarque qu’on ne peut pas supposer que le monde est le centre de l’univers. Ce point est intéressant car le copernicanisme précédait de vingt ans un grand point de discussion. Spinoza ridiculise les autorités citées par Boxel comme il ridiculise l’histoire du bourgmestre.

La lettre suivante de Boxel mentionne d’abord que Spinoza est en faute. Selon Boxel, il ne faut pas faire de différence entre nécessité et fortuit, mais entre nécessité et liberté. Boxel compare alors le mystère de Dieu avec l’incompréhensibilité de l’action de notre âme. Une vision traditionnelle, pas du tout spinoziste, est exprimée ici. Mais l’imprévoyance de Boxel est claire quand celui-ci dit que : "Si vous mettez en Dieu la nécessité, que vous le priviez de volonté et de libre choix, on se demande si vous ne peignez pas et ne représentez pas l’être infiniment parfait comme un monstre. [19]" Il nous semble que Boxel ne comprend pas tout à fait la différence entre la nécessité et le fortuit, le paradoxe de la volonté libre et la nécessité, et la différence entre la volonté humaine et la volonté divine. Ensuite, Boxel défend de nouveau sa position, mais ne fait plus vraiment de remarques intelligentes ou intéressantes.

Il est clair pour Spinoza que Boxel ne le comprend pas toujours : "Je ne vois pas pour quelle raison vous voulez me persuader que le fortuit et le nécessaire ne s’opposent pas l’un à l’autre. Sitôt que je perçois que les trois angles d’un triangle sont nécessairement égaux à deux droits, je nie que ce soit par hasard. Semblablement, dès que j’aperçois que la chaleur est un effet nécessaire du feu, je nie que cela arrive par hasard. Que le nécessaire et le libre s’opposent l’un à l’autre, cela n’est pas moins absurde et me paraît contraire à la raison. [20]"

Finalement peut-on lire encore un hymne sur Démocrite quand Spinoza [21] écrit que les grandes autorités comme Platon, Aristote, Socrate, etc. n’on pas grands poids pour lui. "Rien d’étonnant à ce que des hommes qui ont cru aux qualités occultes, aux espèces intentionnelles, aux formes substantielles et mille autres niaiseries aient imaginé des spectres et des esprits et cru les vieilles femmes pour affaiblir l’autorité de Démocrite." [22]

Les Pays-Bas et le monde enchanté

L’opinion de Boxel nous semble peut-être un peu bizarre, même un peu stupide. Quelqu’un croyant si fort en des choses superstitieuses à l’époque de la mécanisation de la vision du monde ? On doit bien savoir qu’il n’y avait rien d’anormal au fait de croire aux choses superstitieuses à l’époque. Même Voetius défendait la croyance des choses pareilles. Il écrivait qu’il n’avait pas beaucoup de sympathie pour la manière cruelle dont les Allemands agissaient au procès de sorcelleries, mais qu’au fond les sorcières étaient coupables.

En plus, il y a l’exemple du collégiant socinien Frans Kuyper, éditeur de la Bibliotheca fratrum Polonorum [23], pour qui la réalité du diable et son occupation avec les hommes était un fait établi [24] D’autres, au contraire, présument que la philosophie de saint Thomas, par exemple, était en fait une philosophie aussi légitime pour contester la superstition que la nouvelle philosophie mécaniste [25]. Une troisième possibilité nous a proposé le liseur de Newton et Boyle, Richard Bentley au début du dix-huitième siècle : "Ce n’était pas la libre pensée qui a guéri la foi de la sorcellerie, mais c’était plutôt la croissance générale de la philosophie et les médecines [26]. Pour ce qui concerne tous les choses ne touchant pas l’Écriture sainte l’homme sera adjuger au bon sens, mais tout ce qui concerne l’Écriture sainte est compréhensible par l’emploi de la Raison dans des études comparative des diverses parties de la Bible.

La Raison et l’Écriture sainte nous apprennent des choses différentes. La nature - pour Bekker équivalent de la Raison - nous montre par exemple qu il y a un Dieu, mais l'Écriture nous montre qu'il y a qu'un Dieu de qui Bekker assume qu'il est - suivant Descartes - incorporel. La Raison naturelle nous fait comprendre qu'il y a des esprits. L'Écriture confirme qu'il y en existe. En plus, nous dit Bekker, il ne faut pas oublier qu'il y a une distinction radicale entre le corps et l'esprit bien que l'Écriture ne soit pas tout à fait claire et distinct sur ce point. Enfin Bekker présume que l'âme humaine peut persister dans son existence hors du corps humain. On voit bien que Bekker sympathise avec le cartésianisme et cherche pour la confirmation de ses idées dans l'Écriture sainte. Par rapport aux esprits Bekker écrit, de la même manière, qu'on n'en peut pas conclure beaucoup par la nature et que l'Écriture nous dit presque rien sur leur origine. D'ailleurs, l'Écriture ne rapporte que debons génies’ et d'esprits malins'. Mais en fait qu'est-ce que c'est un esprit? "Par esprit on comprend un être qui est incorporel et qui n'a rien du tout en commun avec une chose corporelle."[["Door Geest verstaan wij dan een wezen dat in alles onlichamelijk is en de minste gemeenschap met een lichaam niet en heeft." (Bekker, De Betoverde Wereld, Rotterdam, 1691-1694, boek II, p. 5)]] Bekker veut, par cette définition, créer une univocité en rapport avec ce qu'on comprend généralement paresprits’. Cette univocité doit enfin éviter des discussions d’origine terminologiques car le terme esprit' a connu plusieurs interprétation au cours de l'histoire. Sur ce point l'interprétation de {Socrate - }l'esprit comme {daimon - }est peut-être encore le plus connu. Bekker insiste, dans les pages suivantes, que s'il y a encore la moindre comparaison possible à remarquer entre le corps et l'esprit on n'y peut plus parler d'un esprit. L'esprit est alors conçu comme une autonomie pensante de même façon que le corps comme une autonomie étendue. Bekker s'y réfère explicitement à Descartes[[Bekker, De Betoverde Wereld, boek 11, p. 7]]. Bekker indique qu'il faut distinguer de différentes sortes d'esprits. II y a par exemple l'esprit humain qu'on appellel’âme’. Les anges par contre sont des esprits qui ne possèdent pas de corps, qui on même pas un lien avec un corps. Les bons génies on appelle des anges' ; les malins génies sont appeler desdémons’.

Ce qui est intéressant pour notre histoire est le fait que Bekker exclue la possibilité de l’existence de fantômes comme décrit par Boxel. Premièrement, parce que l’esprit n’a rien à faire avec des caractéristiques corporelles. En conséquence il faut admettre que ces esprits ne peuvent avoir aucun effet sur des choses corporelles car seulement un corps peut avoir effet sur un autre corps. Deuxièmement, Bekker fait une distinction entre l'âme, laquelle est {lier[[ Ce qui en outre ne signifie pas que l'âme reçoit tout à coup des caractéristiques corporelles par ce que si ça était pareil on y parlera plus d'un esprit mais d'un corps.]] }à un corps, et les anges, qui n'ont rien à voir avec des choses corporelles. L'esprit travaillant le nuit dans la brasserie de la mère du bourgmestre, dépeint par Boxel dans la lettre LIII, ressemble, au contraire de la conception d'un esprit comme conçu dans la définition cartésienne, plutôt à un homme qu'à un fantôme. Comme dit, on a la combinaison de l'âme et du corps qui résulte dans l'homme et les anges qui sont des espritspurs’. Premièrement, il y a pas de place pour quelque chose planant entre l’homme et les anges et deuxièmement, cette chose planant a sans doute besoin d’un corps afin de pouvoir travailler' dans une brasserie. Que les spectres sont les âmes de personnes mortes traînant dans notre monde corporel est aussi une question irrationnelle pour Bekker. Il croit bien que l'âme humaine soit immortelle, mais en ce qui concerne alors la métempsycose, considérer au cinquième chapitre du deuxième livre, il indique que ni l'écriture sainte, ni la Raison a quelque chose à dire là-dessus. La possibilité de l'existence de spectres peut alors être examiner en profitant de certaines expériences ou à base de la nature des choses. Dans le quatrième livre Bekker parle de plusieursexpériences spectrales’. Il nous donne quelques histoires de revenants, des histoires démoniaques, magiques, spectrales, etc., mais toute fois Bekker nous indique où se trouve la difficulté. Il indique que beaucoup de ces histoires sont nées des préjugés et de la peur. II arrive quelque chose d’inexplicable et on conclut par le surnaturel. Comme Spinoza, il argumente que ce n’est pas parce qu’une chose est inexplicable qu’il faut l’appeler spectral. Que la croyance en toutes les fables est toujours d’origine païenne est logique car ni l’expérience, ni la nature des choses nous donnent des indications pour l’existence des spectres [27].

En plus il faut remarquer que l’omnipotence de Dieu n’est pas la question ici. Sinon, on peut se poser la question Est-ce qu'un cheval peut voler ?' Alors qu'il y aura sans doute des gens qui dirontOui, si Dieu le veut’, mais ceci n’est pas une réponse valable pour Bekker, car voler' ne fait pas partie de l'essence du cheval. Comme dit, le but final de Bekker, en écrivant ce livre, a toujours été de purifier la foi de mensonges et de faussetés. Dans le chapitre XXXIII du quatrième livre la conclusion est conçu comme il n'y existe pas de phénomènes de fantômes, ni de divination, ni de sorcellerie. Bekker en conclueéloignez-vous du blasphème et du commérage afin qu’on s’exerce dans la piété’ [28].

Finalement, l’exemple de Bekker nous montre que même au fin du dix-septième siècle le cartésianisme modéré de ce ministre, tout à fait orthodoxe, créa un scandale énorme dans le monde calviniste et ceci un demi-siècle après l’introduction du cartésianisme aux Pays-Bas.

Peut-être on peut faire la conclusion que Bekker et Spinoza ont eu le même motif pour leur critique sur la superstition, mais Bekker était théologien, Spinoza philosophe. Comme on l’a vu, Spinoza et Bekker utilisent même parfois des arguments comparables. Mais sur deux arguments de Boxel, à savoir qu’il doit exister un corps sans esprit, comme il y a un esprit sans corps et que les spectres doivent exister car ils lui ressemblent plus que les créatures corporelles, Bekker réponde, contrairement à Spinoza, par un argument dualiste. C’est à dire, Bekker réponde sans doute qu’il s’agit alors de deux substances séparées et qu’il n’y a pas de comparaison possible entre Dieu, la substance corporelle et la substance intellectuelle. Spinoza argumente au contraire de Bekker qu’il n’y a pas de comparaison possible entre Dieu et le monde, entre l’infini et le fini [29].

Spinoza n’était pas le seul à combattre la superstition, mais il est clair que sa position est assez unique. Il est philosophe et pas théologien comme l’est par exemple Bekker. En plus, comme on a pu constater, il n’utilise pas de notions reformées, catholiques, même pas cartésiennes, mais il fait usage de ses propres notions spinoziste. Ce qui ne veut pas, par contre, dire que le contexte historique, dans lequel cette histoire philosophique a été formée, est différent. Que quelqu’un comme Spinoza ait été vu dans le contexte hollandais du dix-septième siècle comme un athée, est en fait assez normal. Même un ministre calviniste qui osait utiliser le cartésianisme était traité comme un athée à l’époque. Il est aussi bien clair que dans l’argumentation spinoziste il ne s’agissait plus de quelques adaptions minimales sur les conceptions existantes, mais plutôt de rénovations illuminantes. Mais avant tout il faut éviter de créer ou de soutenir l’image de la `mythe’ spinoziste qui n’est qu’une décontextualisation ou radicalisation de la philosophie spinoziste en ignorant les données historiques. Les idées de Spinoza étaient bien illuminées, mais les questions, desquelles ceux mentionnés dans la correspondance avec Boxel sont un exemple, restaient de son temps.


[1Nadler, S., Spinoza, Amsterdam, 2001, p. 400

[2Stouppa, J.-B., De religie van de Hollanders, vertoont in diversche brieven, 1673

[3Spinoza, Œuvres Complètes, [Caillois, Francès, Misrahi], Paris, 1954

[4KB catalogus

[6Hugo Boxel avait cinq enfants : Daniel 91639), Pieter (1640), Johannes (1645), Hugo (1647) Elias (1649).

[7Telders, A., Alfabetische naamlijst van de leden van de stedelijke regering van Gorinchem, Gorinchem, 1959-1968

[8Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1232

[9Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1234

[10Spinoza, Briefwisseling, p. 492 ; Cobben, J., De opvatting van .Iohannes Wier over bezetenheid, hekserij en magie, Assen, 1960

[11Lavater, L., De spectris, lemuribus et magnis atque insolitis fragoribus etpraesagitionibus quae obitumn hominum, clades mutationesque imperiorum praecedunt, Genève, 1570

[12Cardanus, De rerum varietate libri XVII Bazel, 1557 ; De subtilitate libri XXI, Bazel, 1560

[14Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1237

[15Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1234

[16Ibid

[17Ibid

[18Ibid

[19Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1242

[20Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1245

[21Barbaras, F., ’Spinoza et Democrite’ dans Studia Spinozana, vol. 12, 1996

[22Spinoza, Œuvres Complètes, p. 1248

[23Kuyper, F., Bibliotheca fratrum Polonorum quos unitarios vocant, Amsterdam, 1668

[24Kuyper, F., Korte Verhandeling van de Duyvelen, Rotterdam, 1676 ; Kuyper, F., Filosofisch en Historiaal Bewijs dat er Duyvelen zijn, Rotterdam, 1678]]. Néanmoins, les procès de sorcellerie ont eu beaucoup moins de succès au Pays Bas que dans des autres pays[[Collins, A discourse of Free-Thinking, London, 1713]]. La dernière exécution date de 1608, la dernière accusation juridique de 1643 et après 1660 le sujet n'était même plus un point de discussion au niveau du synode de l'église réformée. Après 1670, il n'y eut en fait plus d'accusations de sorcellerie aux Pays Bas[[Fix, A., Fallen angels: Balthasar Bekker, spirit belief and confessionalism in the seventeenth century Dutch republic, Dordrecht, 1999, p. 4 n.3]]. Il y a des historiens qui présument que la diminution des procès et des accusations est attribuable à la démarche de la nouvelle conception de monde étant rationnelle et scientifique et dans lesquelles il n y avait plus de places pour des sorcières, démons et spectres. Lemonde enchanté’ devenait plus mécanisé.[[Cfr. Dijksterhuis, E., De mechanisering van het wereldbeeld, Amsterdam, 1950

[25Easlea, B., Witch-hunting, Magic and the New Philosophy : An introduction to Debates of the Scientific Revolution 14501750, Sussex, 1980

[26"It was not freethinking which has cured belief in witchcraft, but rather the general growth of philosophy and medicine" / Bentley, R., Remarks upon a late Discourse of Free-Thinking, London, 1713, 32, 4; Israel, J., Radical Enlightenment. Philosophy and the making of Modernity, 1650 -1750, Oxford, 2001, p. 377]]." Ce Bentley remarque encore que les deux livres les plus vigoureux par rapport à la superstition qu'il ait lu en Hollande étaient de la main de ministres. L'un s'appelait Balthasar Bekker, l'autre était un Docteur, mais Bentley ne se souvenait plus de son nom[[Probablement il s'agit du médecin ménnonite Anthonie van Dale, l'auteur du De Oraculis, qu'était d'ailleurs ami intime de Bekker. Dale, A. van, De oraculis ethnicorum dissertationes dure, Amsterdam, 1683]]. {{{Spinoza et Bekker}}} Balthasar Bekker (1634-1698)[[Fix, A., Fallen angels: Balthasar Bekker, spirit belief and confessionalism in the seventeenth century Dutch republic, Dordrecht, 1999; Fix, A., "Bekker and Spinoza" dans: Bunge, W. van / Klever, W, Disguised and overt Spinozism around 1700, Leiden, 1996, p. 23-40; Bekker, B. / Bunge, W. van, Die Bezauberte Welt (1693), Stuttgart, 1997; Israel, J., Radical Enlightenment. Philosophy and the making of Modernity, 1650 -1750, Oxford, 2001, p. 377- 395.]] est né en 1634 dans le village Frison de Metslawier où il était le fils du ministre. Il alla étudier la théologie et la philosophie à Groningen dans les années cinquante. C'est le moment où les querelles sur le cartésianisme étaient encore très vivantes. Bekker commença alors sa carrière comme ministre réformécartésien’. Dans son livre sur le cartésianisme intitulé De Philosophia Cartesiana admonitio (1668), il défendait l’idée que la philosophie cartésienne n’était pas un danger pour la foi reformée. Le raisonnement de Bekker était que la philosophie et la théologie avaient leur propre plan. La philosophie jouait un rôle dans le domaine de la Raison et la théologie dans celui de la révélation. L’écriture sainte révèle des choses pour lesquelles la philosophie était incompétente. Bekker, qui avait été accusé de spinozisme, a toujours dit qu’il n’était pas d’accord avec la théorie spinoziste juste parce que Spinoza n’appliquait pas de différence claire entre la théologie et la philosophie. Néanmoins par le fait que dans un de ses livres Bekker appelle la philosophie de Spinoza une philosophie absurde'[[Bekker, B., Kort Begryp der Algemeine Kerkelyke Historien, Zedert het Jaar 1666 daar Hornius eindigt, tot den .lare 1684, Amsterdam, 1739, p. 38]], une étude nous a déjà montré que Bekker et Spinoza étaient assez proches en ce qui concernait l'idée de l'herméneutique biblique[[Bunge, W. van, "Balthasar Bekker's Cartesian Hermeneutics and the Chalenge of Spinozism", The British Journal for the history of Philosophy 1, 1993, p. 55-79]]. Bekker admettait qu'il ne comprend pas tout ce que Descartes avait écrit, mais il comprenait bien tout ce qu'il avait écrit sur la doctrine de l'église. Bekker nous montrait alors que Descartes n'était pas un athée et que nous ne devions pas oublier que la philosophie est d'une nature humaine ce qui impliquait que c'est toujours améliorable. En 1691-1693 Bekker publiait en quatre parties son chef d'oeuvre intitulée {De betoverde Wereld, }le monde enchanté’. La publication de ce livre provoqua près de 300 pamphlets et livres, en général d’adversaires de Bekker. Il fut alors relevé de ses fonctions de ministre à Amsterdam et, à Utrecht, et le 24 septembre 16921e livre fut effectivement prohibé. Malgré cela, il y eut 8000 exemplaires vendus en deux ans, un succès sans pareil[[Bunge, W. van, Du betoverde weereld au monde enchanté. Traces de Bekker dans les premières lumières françaises' dans Materia Actuosa, Antiquité, Âge classique, Lumières, Paris, 2000, p .453-471, p. 454-455]]. Déjà dans l'introduction du livre. Bekker montre clairement qu'il utilise la théorie cartésienne pour prouver l'irrationalité de la superstition. Dans cette introduction Bekker renvoie aussi bien à Spinoza qu'à Descartes en disant que celui qui lira son livre avec un esprit objective peuvent voir qu'il a en commun avec Descartes tout ce qui concerne la distinction entre l'esprit et le corps, mais qu'il n'a rien à faire avec ce philosophe Spinoza qui confond Dieu et le monde[["So wie dit boek met een opmerkend en onzijdig hart doorlezen wil, hij zal er dat in zien. Hoewel ik gerust ben, zo weet ik echter, dat zoveel het gebruik der Rede hier aanbelangt, ik diegene het minst zal voldoen, die Descartes' grond gans verwerpen ; waama ik geest en lichaam van elkaar onderscheidt : invoegen dat met een dulle doling van Spinoza, die God en de wereld ondereen vermengt te krachtigsten weersproken wordt." (Bekker, B., De Betoverde Wereld, Rotterdam, 1691-1694, boek 1, voorrede, p. 1)]]. Il est bien clair que Bekker a l'intention d'utiliser la philosophie cartésienne pour atteindre son but final à savoir la purification de la foi par la contestation de la superstition. Cette forme d'assimilation de la philosophie de Descartes est en fait contradictoire aux sentiments anti-cartésiens à l'époque au monde protestante. On ne peut pas oublier que des figures puissantes, comme par exemple Gisbertus Voetius[[Duker, A.C., Gisbertus Voetius, Leiden, 1893-1915 / Reprint: Leiden, 1989 (4 vol.); Asselt, W.J., / Dekker, E. (red.), De Scholastieke Voetius, Zoetermeer, 1995; Oort, van J., Graafland, C.,Groot, de A., Jong, de O.J., (eds.), De onbekende Voetius, voordrachten wetenschappelijk symposium Utrecht 3 maart 1989, Kampen, 1989; Ruler, van J.A., The crisis of causality, Leiden, 1995; Dibon, P., L'Enseignement philosophique dans les universités néerlandaises à l'époque précartésienne (1575-1650); Sassen, F., Geschiedenis van de Wijsbegeerte in Nederland; Van Bunge, W., From Stevin to Spinoza, p. 37-41; Verbeek, T., La querelle d'Utrecht, Paris, 1988]], s'engageaient publiquement dans la lutte contre le cartésianisme. De même des pasteurs de campagne prêchaient contre le cartésianisme. Pensons à Jacobus du Bois (1607-1661)[[Bunge, Wiep van, From Stevin to Spinoza: An Essay on Philosophy in the Seventeenth-Century Dutch Republic, Leiden, 2001; McGahagan, T.A., Cartesianism in the Netherlands, 1639-1676; the new science and the Calvinist counterreformation (Diss.), Pennsylvania, 1976; Vermij, Rienk, The Calvinist Copernicans. The reception of the new astronomy in the Dutch Republic, 1575-1750, Amsterdam, 2002]] l'auteur de plusieurs pamphlets contre le copernicanisme et le cartésianisme. Ces pamphlets étaient des vraies engeuelades contre cet athée papale nommé Descartes[[Naecktheyt van de Cartesiaensche philosophie, ontbloot in een antwoort op een Cartesiaensch libel, genaemt: Bewys, dat het gevoelven van die gene, die leeren der sonne-stilstandt, en des aerdtrijcks beweging niet is met Gods woort [van Lambert van Velthuysen] (Utrecht, 1655) ; Den ingetoomden Cartesiaen, ofte korte antwoordt op een Cartesiaensch libel, genaemt Wiskonstich bewijs van d'onnoselheyt, &c. (Leiden, 1656) ; Schadelichheyt van de Cartesiaensche philosophie, ofte Klaer bewijs, hoe schadelick die philosophie is, soo in het los maecken van Godes h. woordt, als in het invoeren van nieuwe schadelicke leeringen ... (Utrecht, 1656)]]. Bien au contraire Bekker utilisait les idées de la philosophie cartésienne pour purifier la foi. Les affaires théologiques restaient d'ailleurs toujours privilège aux théologiens. Dans son livre Bekker lui-même y en porte l'attention. II insiste qu'il fait usage de la {Raison }pour combattre la superstition, mais, nous dit-il, on ne peut pas faire l'erreur de confondre la Raison avec l'Écriture sainte et alors sans encore parler des discussions dans lesquelles on défend, par exemple que la Raison aurait plus de vérité que l'Écriture sainte ce qui parle d'une idiotie. Comme dit, lemonde enchanté’ est constitué de quatre livres. Pour comprendre ce qu’est la croyance aux diables et spectres, il faut d’abord être conscient de ce que cette croyance est en réalité. Pour cela le premier livre décrit l’histoire de différentes religions et cultures en rapport avec la croyance aux diables et aux spectres. Pour ceci, Bekker montre qu’il est lettré et nous raconte d’abord la croyance des juifs, des musulmans et enfin du christianisme. Il en conclut que beaucoup d’éléments superstitieux ont glissé dans la foi par la croyance païenne, mais pour Bekker l’église catholique est aussi bien coupable car elle a toujours laissé croire aux gens l’existence du purgatoire pour des raisons politiques. Néanmoins, il est aussi disposé à admettre que même les protestantes défendent parfois la superstition, comme le faisait le roi Jacques I d’Angleterre.

C’est à cette occasion que Bekker écrit au début du premier livre que le vrai chrétien ne renonce pas la Raisonàcausede sa foi. Bien au contraire, le chrétien ferme se concentre de plus sur et perfectionne sa raison. Il ne faut d’ailleurs pas oublier, nous dit Bekker, que la Raison nous donne plus de perspicacité par rapport à l’Écriture sainte[["Een Kristen heeft door het geloof het gebruik van de gezonde rede niet afgestaan, doch als hij vastberaden is, nog versterkt en verbeterd. Zulks doet hij - de Kristen - door de schrift, van God ingegeven, en aan de Rede voorgesteld ; om door haar ingeschapen licht te zien dat ze - de Rede - van God is." (Bekker, De Betoverde Wereld, Rotterdam, 1691-1694, boek II, p. 1)

[27Knuttel, p. 204 ; Bekker / Bunge, W, van, p. 27

[28"Van al hetgene dat tot hiertoe is geleerd, is het einde van de sake : Verwerpt d’ongoddelike en oudwijfsche fabelen, en oefent uselven tot Godsaligheid." (Bekker, De Betoverde Wereld, boek IV, p. 272)

[29Cfr. Suarez

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