TRE - 57

  • 16 septembre 2005


Il nous reste à nous occuper des suppositions faites dans les discussions ; suppositions qui ont trait, parfois, même à des impossibilités. Par exemple quand nous disons : supposons que cette chandelle qui brûle ne brûle pas, ou supposons qu’elle brûle dans quelque lieu imaginaire, c’est-à-dire où n’existe de corps d’aucune sorte. On fait parfois des suppositions semblables bien que voyant clairement que la dernière est impossible ; mais quand cela arrive on ne forge rien en réalité. Dans le premier exemple en effet je n’ai rien fait que rappeler à mon souvenir [1] un autre exemple de chandelle ne brûlant pas (ou que concevoir la même chandelle sans flamme) et ce que je pense au sujet de cette autre chandelle, je l’entends aussi de celle-ci, aussi longtemps que je n’ai pas égard à la flamme. Dans le second exemple on n’a fait autre chose qu’abstraire ses pensées des corps environnants de façon que l’esprit se portât uniquement à la contemplation de la chandelle, considérée en et pour elle-même, et en conclût ensuite qu’elle n’a en elle aucune cause de destruction : si donc il n’y avait point du tout de corps environnants, cette chandelle et aussi cette flamme demeureraient immuables, ou autres choses semblables. Il n’y a donc là aucune fiction, mais [2] des assertions pures et simples.


Superest iam, ut ea etiam notemus, quae in quaestionibus supponuntur ; id quod passim etiam contingit circa impossibilia. Ex. gr. cum dicimus : supponamus hanc candelam ardentem iam non ardere, aut supponamus eam ardere in aliquo spatio imaginario, sive ubi nulla dantur corpora. Quorum similia passim supponuntur, quamvis hoc ultimum clare intelligatur impossibile esse. Sed quando hoc fit, nil prorsus fingitur. Nam primo nihil aliud egi, quam quod in memoriam revocavi [3] aliam candelam non ardentem (aut hanc eandem concepi sine flamma), et quod cogito de ea candela, id ipsum de hac intelligo, quamdiu ad flammam non attendo. In secundo nihil aliud fit, quam abstrahere cogitationes a corporibus circumiacentibus, ut mens se convertat ad solam candelae in se sola spectatae contemplationem ; ut postea concludat candelam nullam habere causam ad sui ipsius destructionem, adeo ut si nulla essent corpora circumiacentia, candela haec ac etiam flamma manerent immutabiles, aut similia. Nulla igitur datur hic fictio, sed verae ac merae assertiones. [4]



[1Plus loin, quand nous parlerons de la fiction relative aux essences, il apparaîtra clairement que jamais une fiction ne crée ni n’offre à l’esprit rien de nouveau ; que seuls les souvenirs qui sont dans le cerveau ou dans l’imagination sont rappelés et que l’esprit est attentif à tous à la fois confusément. On se rappelle par exemple une parole prononcée et un arbre ; et l’esprit s’attachant à ces souvenirs indistinctement admet un arbre qui parle. Il faut l’entendre ainsi de l’existence, surtout, comme nous l’avons dit, quand elle est conçue sous la forme générale de l’être, parce qu’alors elle s’applique facilement à tous les souvenirs qui peuvent se présenter à l’esprit. Ce qui mérite fort d’être observé.

[2Cela doit s’entendre aussi des hypothèses que l’on fait pour expliquer certains mouvements célestes ou tirer une conclusion sur la nature du ciel qui peut cependant être différente, d’autant que pour expliquer ces mouvements l’on peut concevoir beaucoup d’autres causes.

[3Postea cum de fictione, quae versatur circa essentias, loquemur, clare apparebit, quod fictio nunquam aliquid novi faci, aut menti praebet ; sed quod tantum ea, quae sunt in cerebro aut in imaginatione, revocantur ad memoriam, et quod confuse ad omnia simul mens attendit. Revocantur ex. gr. in memoriam loquela et arbor ; et cum mens confuse attendit sine distinctione, putat arborem loqui, Idem de existentia intelligitur, praesertim, uti diximus cum adeo generaliter, ac ens concipitur ; quia tum facile applicatur omnibus, quae simu in memoria occurrunt. Quod notatu valde dignum est. Sp.

[4Idem etiam de hypothesibus intelligendum, quae fiunt ad certos motus explicandum, qui conveniunt cum coelorum phaenomenis, nisi quod ex iis, si motibus coelestibus applicentur, naturam coelorum concludant, quae tamen alia potest esse, praesertim cum ad explicandum tales motus multae aliae causae possint concipi. Sp.