Traité politique, VI, 10



L’armée doit comprendre les seuls citoyens [1] sans en excepter aucun et nul étranger ne doit en faire partie. Il faut donc que tous aient obligatoirement des armes et que nul ne soit reçu au nombre des citoyens qu’après s’être instruit au maniement des armes et s’être engagé à s’y exercer pendant certaines périodes de l’année. Quand ensuite la force armée de chaque clan aura été répartie en cohortes et en légions, nul ne devra être appelé au commandement d’une cohorte qui n’aura pas appris l’art des constructions militaires. Les chefs des cohortes et des légions seront nommés à vie, mais l’officier qui commandera en temps de guerre toute la force armée d’un clan n’exercera ce commandement que pendant une année et ne pourra ni conserver ce commandement par la suite, ni être désigné à nouveau. Ces commandants devront être choisis parmi les conseillers du roi, dont il sera parlé au § 15 et aux suivants, ou parmi ceux qui auront exercé les fonctions de conseiller.


Traduction Saisset :

L’armée doit être formée sans exception des seuls citoyens. Il faut donc que tous les citoyens aient des armes et que nul ne soit admis au nombre des citoyens qu’après s’être formé aux exercices militaires et avoir pris l’engagement de continuer cette éducation guerrière à des époques déterminées. La milice fournie par chaque famille étant divisée en cohortes et en légions, nul ne devra être élu chef de cohorte qu’à condition de savoir la stratégie. Les chefs des cohortes et des légions seront nommés à vie ; mais c’est pendant la guerre seulement qu’il faudra donner un chef à toute la milice fournie par une famille, et encore ne devra-t-on le charger du commandement suprême que pour un an, sans qu’il soit permis de le continuer dans son commandement ou de l’y porter encore à l’avenir. Ces généraux en chef seront choisis parmi les conseillers du roi (dont nous aurons à parler à l’article 15 et aux articles suivants) ou parmi ceux qui ont exercé cette fonction.


Militia ex solis civibus, nullo excepto, formanda est et ex nullis aliis ; atque adeo omnes arma habere teneantur et nullus in civium numerum recipiatur, nisi postquam exercitium militare didicerit, illudque signatis anni temporibus exercere pollicitus fuerit. Deinde uniuscuiusque familiae militia in cohortes et legiones divisa nullius cohortis dux eligendus, nisi qui architecturam militarem noverit. Porro cohortium et legionum duces ad vitam quidem, sed qui unius familiae integrae militiae imperet in bello tantummodo eligendus, qui annum ad summum imperium habeat, nec continuari in imperio, nec postea eligi possit. Atque hi eligendi sunt ex regis consiliariis (de quibus art. 15. et seqq. dicendum) vel qui officio consiliarii functi sunt.

[1Voyez le Traité théologico-politique, chap. XVII, §18 (« (...) l’armée était formée de tous les citoyens (nul n’en était exempté de vingt à soixante ans) et les princes ne pouvaient engager aucun soldat étranger comme mercenaire. ») et §22. Voyez aussi Machiavel, Le Prince, chap. XII et XIII ; Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre second, chap.20.