Traité politique, VII, §26

  • 23 mars 2005


Nul ne peut transférer à un autre le droit d’avoir une religion, c’est-à-dire d’honorer Dieu. Mais nous avons traité amplement ce point dans les deux derniers chapitres du Traité Théologico-Politique [1] et il est inutile d’y revenir ici. Je pense avoir démontré assez clairement, bien que brièvement, les principes fondamentaux de la monarchie la meilleure. Quant à l’accord de ces principes entre eux, ou à la conformité de l’État avec lui-même, quiconque voudra examiner ces principes avec quelque attention, se convaincra de leur cohérence. Il ne me reste qu’à avertir que je conçois ici une monarchie instituée par une population libre, et qu’à cette population seulement ces principes peuvent être d’usage ; une population habituée à une autre forme de pouvoir ne pourra, sans grand risque de bouleversement, s’attaquer aux bases mêmes de tout l’État et en changer toute la structure.


Traduction Saisset :

Quant à la religion ou au droit de rendre un culte à Dieu, personne ne peut le transférer à autrui. Mais nous avons discuté cette question dans les deux derniers chapitres de notre Traité théologico-politique, et il est superflu d’y revenir. Je crois, dans les pages qui précèdent, avoir démontré assez clairement, quoiqu’en peu de mots, les conditions fondamentales du meilleur gouvernement monarchique. Et quiconque voudra les embrasser d’un seul coup d’œil avec attention, reconnaîtra qu’elles forment un étroit enchaînement et constituent un État parfaitement homogène. Il me reste seulement à avertir que j’ai eu constamment dans la pensée un gouvernement monarchique institué par une multitude libre, la seule à qui de telles institutions puissent servir. Car une multitude accoutumée à une autre forme de gouvernement ne pourra pas, sans un grand péril, briser les fondements établis et changer toute la structure de l’État.


Ceterum religionis sive Deum colendi ius nemo in alium transferre potest. Sed de hoc in duobus ultimis capitibus tractatus theologico-politici prolixe egimus, quae hic repetere superfluum est. Atque his me optimi imperii monarchici fundamenta satis clare, quamvis breviter, demonstrasse autumo. Eorum autem cohaerentiam, sive imperii analogiam facile unusquisque observabit, qui eadem simul aliqua cum attentione contemplari velit. Superest tantum monere, me hic imperium monarchicum concipere, quod a libera multitudine instituitur, cui solummodo haec ex usu esse possunt. Nam multitudo, quae alii imperii formae assuevit, non poterit sine magno eversionis periculo totius imperii recepta fundamenta evellere, et totius imperii fabricam mutare.

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