Traité politique, VIII, §27



Afin que, dans les décisions à prendre et dans le choix des fonctionnaires de l’État, tous les patriciens aient un pouvoir égal, et pour que les affaires puissent être expédiées avec célérité, il y a lieu d’approuver grandement la procédure adoptée à Venise. Pour choisir les fonctionnaires de l’État on commence par tirer au sort quelques-uns des membres du conseil qui donnent lecture d’une liste de noms, ceux des candidats aux fonctions publiques, et sur chacun de ces noms chaque patricien exprime son opinion, c’est-à-dire qu’au moyen d’une boule il fait connaître qu’il accepte ou rejette la candidature proposée, de sorte qu’on ignore ensuite quel a été le vote de tel ou tel. Non seulement l’égalité entre tous les citoyens subsiste par ce moyen et les affaires sont bientôt expédiées, mais chacun garde une liberté entière, ce qui est la chose la plus nécessaire, puisqu’il ne court aucun risque d’exciter la haine en exprimant son opinion.


Traduction Saisset :

Il importe que tous les patriciens aient un pouvoir égal, soit dans les décisions de l’Assemblée, soit dans le choix des fonctionnaires publics, et il importe aussi que l’expédition des affaires s’exécute promptement. Or la coutume de Venise est ici fort digne d’approbation. Quand il s’agit d’élire les fonctionnaires publics, ils tirent au sort les noms d’un certain nombre de membres de l’Assemblée qui sont chargés de designer les personnes élues. A mesure que se fait la désignation, chaque patricien donne son avis, approuve ou désapprouve le choix du fonctionnaire proposé, et cela au moyen de boules, afin que l’on ignore pour qui chacun a voté. En procédant de la sorte, on n’a pas seulement en vue l’égalité du pouvoir entre les patriciens et la prompte expédition des affaires, mais on veut aussi, et c’est en effet une chose absolument nécessaire dans les assemblées, on veut que chacun ait la liberté absolue de voter comme il lui plaît sans avoir aucune haine à redouter.


Ut autem in decernendo et in eligendis imperii ministris omnibus patriciis aequa sit potestas, et celeris expeditio in omnibus detur, omnino probandus est ordo, quem Veneti observant, qui scilicet ad nominandos imperii ministros aliquot e concilio sorte eligunt, et ab his ordine ministris eligendis nominatis unusquisque patricius sententiam suam, qua propositum ministrum eligendum probat vel reprobat, indicat calculis, ita ut postea ignoretur, quisnam huius aut illius sententiae fuerit auctor. Quo fit non tantum, ut omnium Patriciorum in decernendo auctoritas aequalis sit, et ut negotia cito expediantur ; sed etiam ut unusquisque absolutam libertatem, quod in conciliis apprime necessarium est, habeat suam sententiam absque ullo invidiae periculo proferendi.