EIII - Proposition 18 - scolie 1


J’appelle ici une chose passée ou future, en tant que nous avons été ou serons affectés par elle. Par exemple en tant que nous l’avons vue ou la verrons, qu’elle a servi à notre réfection ou y servira, nous a causé du dommage ou nous en causera, etc. En tant que nous l’imaginons ainsi, nous en affirmons l’existence ; c’est-à-dire le Corps n’éprouve aucune affection qui exclue l’existence de la chose, et ainsi (Prop. 17, p. II) le corps est affecté par l’image de cette chose de la même manière que si elle était présente. Comme, toutefois, il arrive la plupart du temps que les personnes ayant déjà fait plus d’une expérience, pendant le temps qu’elles considèrent une chose comme future ou passée, sont flottantes et en tiennent le plus souvent l’issue pour douteuse (voir Scolie de la Prop. 44, p. II), il en résulte que les affections nées de semblables images ne sont pas aussi constantes et sont généralement troublées par des images de choses différentes, jusqu’à ce que l’on ait acquis quelque certitude au sujet de l’issue de la chose. [*]


Rem eatenus præteritam aut futuram hic voco quatenus ab eadem affecti fuimus aut afficiemur exempli gratia quatenus ipsam vidimus aut videbimus, nos refecit aut reficiet, nos læsit aut lædet etc. Quatenus enim eandem sic imaginamur eatenus ejus existentiam affirmamus hoc est corpus nullo affectu afficitur qui rei existentiam secludat atque adeo (per propositionem 17 partis II) corpus ejusdem rei imagine eodem modo afficitur ac si res ipsa præsens adesset. Verumenimvero quia plerumque fit ut ii qui plura sunt experti, fluctuent quamdiu rem ut futuram vel præteritam contemplantur deque rei eventu ut plurimum dubitent (vide scholium propositionis 44 partis II) hinc fit ut affectus qui ex similibus rerum imaginibus oriuntur, non sint adeo constantes sed ut plerumque aliarum rerum imaginibus perturbentur donec homines de rei eventu certiores fiant.

[*(Saisset :) J’appelle ici une chose, passée ou future, en tant que nous en avons été affectés ou que nous le serons. Par exemple, en tant que nous avons vu ou que nous verrons cette chose, elle a réparé nos forces ou elle les réparera, elle nous a blessés ou nous blessera, etc. En effet, en tant que nous l’imaginons de la sorte nous affirmons son existence ; en d’autres termes, le corps n’est affecté d’aucune passion qui exclue l’existence de la chose qui l’affecte ; et en conséquence (par la Propos. 17, partie 2), le corps est affecté par l’image de cette chose comme si la chose elle-même était présente. Or, comme il arrive presque toujours que les hommes qui ont beaucoup d’expérience éprouvent une certaine fluctuation chaque fois qu’ils aperçoivent une chose comme future ou comme passée, et sont dans une grande incertitude sur ce qui pourra advenir (voy. le Scol. de la Propos. 44, partie 2), il en résulte que les affections nées de semblables images n’ont aucune persistance, mais au contraire sont troublées par les images d’objets différents, jusqu’à ce que l’on obtienne la certitude touchant ce qui doit arriver.