Proposition 6 - Scolie
Il y a des hommes qui nient qu’ils aient de Dieu aucune idée et qui cependant, à ce qu’ils disent, l’aiment et lui rendent un culte. Et alors même qu’on leur met sous les yeux la Définition et les attributs de Dieu on ne gagne rien ; pas plus en vérité que si l’on essayait d’apprendre à un aveugle de naissance la distinction des couleurs, telles que nous les voyons. A moins cependant que nous ne voulions les tenir pour un nouveau genre d’animaux, intermédiaire entre l’homme et la brute, nous devons avoir peu de souci de leurs paroles. De quelle façon, je le demande, pouvons-nous faire connaître l’idée d’une chose autrement qu’en en énonçant la définition et en en expliquant les attributs ? Et comme c’est ce que nous faisons à l’égard de l’idée de Dieu, il n’y a pas de raison pour nous attarder aux paroles de gens qui nient l’idée de Dieu pour cette seule raison qu’ils ne peuvent former de lui aucune image dans le cerveau.
Il faut noter ensuite que Descartes, quand il cite l’Axiome 4 pour montrer que la réalité objective de l’idée de bien n’est contenue ni formellement ni éminemment en nous, suppose que chacun sait qu’il n’est pas une substance infinie, c’est-à-dire souverainement connaissante, souverainement puissante, etc. Et il peut le supposer ; qui sait qu’il pense, en effet, sait aussi qu’il doute de beaucoup de choses et ne connaît pas tout clairement et distinctement.
Il faut noter enfin que de la définition 8 il suit aussi clairement qu’il ne peut y avoir plusieurs Dieux, mais seulement un seul, ainsi que nous le démontrons clairement dans la Proposition 11 et dans notre Appendice, partie II, chapitre II.