TTP - chap. XII - §§1-4 : La parole de Dieu est écrite dans le cœur de l’homme.

  • 29 avril 2006


[1] Ceux pour qui la Bible telle qu’elle est, est comme une Épître de Dieu envoyée du ciel aux hommes, ne manqueront pas de clamer que j’ai commis le péché contre le Saint-Esprit en jugeant la parole de Dieu menteuse, tronquée, falsifiée et incohérente, en prétendant que nous n’en avions que des fragments, qu’enfin la charte attestant le pacte conclu par Dieu avec les Juifs a péri. Je ne doute pas cependant, que s’ils consentent à examiner la question, leurs cris ne prennent fin aussitôt. C’est moins la Raison en effet que les textes mêmes des Prophètes et des Apôtres qui le proclament : la parole éternelle de Dieu, son pacte et la vraie Religion sont divinement écrits dans le cœur de l’homme, c’est-à-dire dans la pensée humaine ; c’est là la véritable charte de Dieu qu’il a scellée de son sceau, c’est-à-dire de son idée, comme d’une image de sa divinité.

[2] A l’origine la Religion a été donnée aux hommes comme une loi par écrit parce qu’alors ils étaient comme des enfants. Mais plus tard Moïse (Deutér., chap. XXX, v. 6) et Jérémie (chap. XXXI, v. 33) leur prédirent qu’un temps viendrait où Dieu écrirait sa loi dans leurs cœurs. C’est donc aux Juifs seuls et surtout aux Saducéens qu’il appartenait jadis de combattre pour une loi écrite sur des tables, non du tout à ceux qui l’ont écrite dans leurs âmes ; qui voudra considérer cela ne trouvera rien dans les chapitres précédents qui contredise à la parole de Dieu, c’est-à-dire à la vraie Religion et à la foi, ou qui puisse l’infirmer, mais verra au contraire que nous la confirmons, ainsi que nous l’avons montré vers la fin du chapitre X. S’il n’en était pas ainsi, j’eusse décidé de garder le silence sur tous ces points, j’eusse même accordé volontiers, pour éviter toutes difficultés, que de très profonds mystères sont cachés dans les Écritures. C’est la superstition intolérable née de ces prétendus mystères, ce sont les autres maux si graves dont j’ai parlé dans le préambule du chapitre VII, qui m’ont fait juger que je ne devais pas différer l’examen de ces questions ; d’autant que la Religion n’a aucun besoin des ornements de la superstition, mais qu’au contraire on lui ravit sa splendeur en la parant de semblables fictions.

[3] Mais, dira-t-on, bien que la loi divine soit écrite dans les cœurs, l’Écriture n’en est pas moins la parole de Dieu ; il n’est donc pas plus permis de dire de l’Écriture que de la Parole de Dieu qu’elle est tronquée et falsifiée. Pour moi je crains au contraire que par une ardeur excessive de sainteté on ne dégrade la Religion en superstition, qu’on ne se prenne, dirai-je, à adorer des simulacres et des images ; du papier noirci, au lieu de la Parole de Dieu. Je n’ai rien dit, je le sais, qui pût porter atteinte à l’Écriture et à la parole de Dieu, car je n’ai rien avancé dont je n’aie démontré la vérité par des raisons très évidentes ; pour cette cause aussi je puis affirmer avec assurance que je n’ai rien dit qui fût impie ou sentit l’impiété. Je le confesse, quelques hommes d’esprit profane pour qui la Religion est un fardeau, peuvent tirer de cet écrit la licence de pécher, et sans raison autre que leur volonté de s’abandonner au plaisir, en conclure que l’Écriture est partout menteuse et falsifiée, que par suite elle n’a nulle autorité. Contre de tels abus nul recours n’est possible, en vertu de cette vérité banale qu’il est impossible de rien dire si droitement qu’on ne puisse le détourner de son vrai sens en l’interprétant mal. A ceux qui veulent s’adonner aux plaisirs, il ne sera jamais difficile de trouver quelque raison qui les justifie. Jadis ceux-là même qui avaient les écrits originaux, l’arche d’alliance, que dis-je, les Prophètes et les Apôtres, n’en furent pas meilleurs ni plus disposés à l’obéissance ; tous, tant Juifs que Gentils, ont toujours été les mêmes et en tout siècle la vertu a été infiniment rare.

[4] Toutefois, pour écarter tout scrupule ; il faut montrer ici en quel sens l’Écriture, ou, toute autre chose sans voix, doit être dite sacrée et divine ; en second lieu ce qu’est véritablement la Parole de Dieu et qu’elle n’est pas contenue dans tel nombre arrêté de livres ; enfin que l’Écriture, en tant qu’elle enseigne ce qui est nécessaire à l’obéissance et au salut, n’a pas pu être corrompue. Par là on pourra aisément juger que nous n’avons rien dit contre la parole de Dieu et sommes purs de toute impiété.


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