Traité politique, II, §04

  • 27 septembre 2004


Par droit de nature, donc, j’entends les lois mêmes ou règles de la Nature suivant lesquelles tout arrive [1], c’est-à-dire la puissance même de la nature. Par suite le droit naturel de la Nature entière et conséquemment de chaque individu s’étend jusqu’où va sa puissance, et donc tout ce que fait un homme suivant les lois de sa propre nature, il le fait en vertu d’un droit de nature souverain, et il a sur la nature autant de droit qu’il a de puissance.


Traduction Saisset :

Par droit naturel j’entends donc les lois mêmes de la nature ou les règles selon lesquelles se font toutes choses, en d’autres termes, la puissance de la nature elle-même ; d’où il résulte que le droit de toute la nature et partant le droit de chaque individu s’étend jusqu’où s’étend sa puissance ; et par conséquent tout ce que chaque homme fait d’après les lois de la nature, il le fait du droit suprême de la nature, et autant il a de puissance, autant il a de droit.


Per ius itaque naturae intelligo ipsas naturae leges seu regulas, secundum quas omnia fiunt, hoc est, ipsam naturae potentiam. Atque adeo totius naturae, et consequenter uniuscuiusque individui naturale ius eo usque se extendit, quo eius potentia ; et consequenter quicquid unusquisque homo ex legibus suae naturae agit, id summo naturae iure agit, tantumque in naturam habet iuris, quantum potentia valet.


[1Pour Hobbes, au contraire, les "lois naturelles" sont les prescriptions de la raison valant pour tout homme : Léviathan, chap. 14 ; De Cive, I, 7 et III, 33.

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