Traité politique, IV, §01

  • 14 février 2005


Nous avons montré dans le chapitre précédent que le droit du souverain, qui n’a d’autre limite que sa puissance, consiste principalement en ce qu’il y a une pensée qu’on peut dire être celle du pouvoir public, sur laquelle tous doivent se régler, qui seule détermine le bien, le mal, le juste, l’injuste, c’est-à-dire ce que tous, pris à part ou réunis, doivent faire ou ne pas faire. Nous voyons par là qu’au souverain seul appartient d’établir des lois et quand une question se pose à leur sujet, de les interpréter dans chaque cas particulier et de décider si une espèce donnée [1] est contraire ou conforme au droit (voir les §§ 3, 4, 5 du chapitre précédent). C’est au souverain de déclarer la guerre, de fixer ou de proposer des conditions de paix ou encore d’accepter celles qui sont offertes [2]. (Voir §§ 12 et 13 du chapitre précédent.)


Traduction Saisset :

Nous avons traité au chapitre précédent du droit des pouvoirs souverains, lequel est déterminé par leur puissance, et nous avons vu que ce qui le constitue essentiellement, c’est qu’il y ait en quelque sorte une âme de l’État qui dirige tous les citoyens ; d’où il suit qu’au souverain seul il appartient de décider ce qui est bon ou mauvais, ce qui est juste ou injuste, en d’autres termes, ce qu’il convient à tous et à chacun de faire ou de ne pas faire. C’est donc au souverain seul de faire les lois, et, quand il s’élève une difficulté à leur sujet, de les interpréter pour chaque cas particulier et de décider si le cas donné est conforme ou non conforme à la loi (voyez les articles 3, 4, 5 du précédent chapitre) ; c’est encore à lui de faire la guerre ou de poser les conditions de la paix, de les offrir ou d’accepter celles qui sont offertes. (Voyez les articles 12 et 13 du chapitre précédent).


Ius summarum potestatum, quod earum potentia determinatur, in praeced. cap. ostendimus, idque in hoc potissimum consistere vidimus, nempe quod imperii veluti mens sit, qua omnes duci debent ; adeoque solas ius habere decernendi, quid bonum, quid malum, quid aequum, quid iniquum, hoc est, quid singulis vel omnibus simul agendum vel omittendum sit. Ac proinde vidimus iis solis ius competere leges condendi, easque, quando de iis quaestio est, in quocumque singulari casu interpretandi et decernendi, an datus casus contra vel secundum ius factus sit (vide art. 3., 4. et 5. praeced. cap.) ; deinde bellum inferendi, vel pacis conditiones statuendi et offerendi, vel oblatas acceptandi. Vide art. 12. et 13. praeced. cap.


[1Si une espèce donnée. trad. obscure. Il faut comprendre : « si un événement donné ».

[2Voyez Hobbes, De Cive, chap. VI, 18.

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