Traité politique, IV, §02

  • 14 février 2005


Comme ce sont là, avec les moyens requis pour parvenir à ces fins, toutes choses qui concernent les affaires de l’État, c’est-à-dire la chose publique, il en résulte que la chose publique est uniquement dépendante de la direction donnée par celui qui a le pouvoir souverain [1]. Par suite seul le souverain a le droit de porter un jugement sur les actes d’un chacun, de lui demander des comptes, de frapper les délinquants d’une peine, de régler les différends entre citoyens ou de désigner des hommes versés dans la connaissance des lois pour administrer ce service à sa place. De même en ce qui concerne l’emploi et l’ordination des voies et moyens propres à la paix ou à la guerre, fondation et protection des villes, conduite des troupes, distribution des offices militaires, commandements à donner, envoi de délégués pour traiter de la paix, ou audiences données aux délégués étrangers et enfin prélèvements nécessaires pour subvenir à toutes les dépenses publiques.


Traduction Saisset :

Or tous ces objets, ainsi que les moyens d’exécution nécessaires étant choses qui regardent le corps entier de l’État, c’est-à-dire la république, il s’ensuit que la république dépend entièrement de la seule direction de celui qui a le souverain pouvoir Et par conséquent, à celui-là seul appartient le droit de juger des actes de chacun, d’exiger de chacun la raison de ses actes, de frapper d’une peine les délinquants, de trancher les différends qui s’élèvent entre citoyens, ou de les faire régler à sa place par des hommes habiles dans la connaissance des lois, puis d’employer et de disposer toutes les choses nécessaires à la guerre et à la paix, comme de fonder et de fortifier des villes, d’engager des soldats, de distribuer des emplois militaires, de donner des ordres pour tout ce qui doit être fait, d’envoyer et de recevoir des ambassadeurs en vue de la paix, d’exiger enfin des contributions d’argent pour ces différents objets.


Cum haec omnia ac etiam media, quae ad eadem exsequenda requiruntur, omnia negotia sint, quae ad integrum imperii corpus, hoc est, quae ad rempublicam spectant, hinc sequitur, rempublicam ab eius solummodo directione pendere, qui summum habet imperium. Ac proinde sequitur solius summae potestatis ius esse de factis uniuscuiusque iudicandi, de factis cuiuscumque rationem exigendi, delinquentes poena mulctandi et quaestiones inter cives de iure dirimendi, vel legum latarum peritos statuendi, qui haec eius loco administrent ; deinde omnia ad bellum et pacem media adhibendi et ordinandi, nempe urbes condendi et muniendi, milites conducendi, officia militaria distribuendi, et quid factum velit imperandi, et pacis causa legatos mittendi et audiendi, et denique sumptus ad haec omnia exigendi.


[1Spinoza tend à identifier l’État et le gouvernement. Rousseau au contraire distinguera les deux. Voyez sur l’"État", Contrat social, livre I, chap. 6 ; et sur le "gouvernement", Contrat social, livre III, chap. premier.

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