EV - Proposition 29

  • 3 juillet 2004

Tout ce que l’Âme connaît comme ayant une sorte d’éternité, elle le connaît non parce qu’elle conçoit l’existence actuelle présente du Corps, mais parce qu’elle conçoit l’essence du Corps avec une sorte d’éternité.

DÉMONSTRATION

En tant seulement que l’Âme conçoit l’existence présente de son Corps, elle conçoit la durée qui peut se déterminer par le temps, et a le pouvoir de concevoir les choses avec une relation au temps (Prop. 21 ci-dessus et Prop. 26, p. II). Or l’éternité ne peut s’expliquer par la durée (Déf. 8, p. I, et son explication). Donc l’Âme n’a pas, en tant qu’elle conçoit l’existence présente de son corps, le pouvoir de concevoir les choses comme ayant une sorte d’éternité ; mais, puisqu’il est de la nature de la Raison de concevoir les choses avec une sorte d’éternité (Coroll. 2 de la Prop. 44, p. II) et qu’il appartient à la nature de l’Âme de concevoir l’essence du Corps avec une sorte d’éternité (Prop. 23), n’y ayant en dehors de ces deux [manières de concevoir les corps] rien qui appartienne à l’essence de l’Âme (Prop. 13, p. II) cette puissance de concevoir les choses avec une sorte d’éternité n’appartient donc à l’Âme qu’en tant qu’elle conçoit l’essence du Corps avec une sorte d’éternité. C.Q.F.D. [*]


Quicquid mens sub specie æternitatis intelligit, id ex eo non intelligit quod corporis præsentem actualem existentiam concipit sed ex eo quod corporis essentiam concipit sub specie æternitatis.

DEMONSTRATIO :

Quatenus mens præsentem sui corporis existentiam concipit eatenus durationem concipit quæ tempore determinari potest et eatenus tantum potentiam habet concipiendi res cum relatione ad tempus (per propositionem 21 hujus et propositionem 26 partis II). At æternitas per durationem explicari nequit (per definitionem 8 partis I et ipsius explicationem). Ergo mens eatenus potestatem non habet concipiendi res sub specie æternitatis sed quia de natura rationis est res sub specie æternitatis concipere (per II corollarium propositionis 44 partis II) et ad mentis naturam etiam pertinet corporis essentiam sub specie æternitatis concipere (per propositionem 23 hujus) et præter hæc duo nihil aliud ad mentis essentiam pertinet (per propositionem 13 partis II) ergo hæc potentia concipiendi res sub specie æternitatis ad mentem non pertinet nisi quatenus corporis essentiam sub specie æternitatis concipit. Q.E.D.


[*(Saisset :) Tout ce que l’âme conçoit sous le caractère de l’éternité, elle le conçoit non pas parce qu’elle conçoit en même temps l’existence présente et actuelle du corps, mais bien parce qu’elle conçoit l’existence du corps sous le caractère de l’éternité. Démonstration L’âme, en tant qu’elle conçoit l’existence présente du corps, conçoit la durée, laquelle se détermine dans le temps, et elle n’a, par conséquent, que le pouvoir de concevoir les choses en relation avec le temps (par la Propos. 21 et la Propos. 26, part. 2). Or, l’éternité ne peut se déterminer par la durée (en vertu de la Déf. 8, part. 1 et de l’Explication qui la suit). Donc l’âme, sous ce point de vue, n’a pas le pouvoir de concevoir les choses sous le caractère de l’éternité ; mais comme il est de la nature de la raison de concevoir les choses sous le caractère de l’éternité (par le Coroll. 2 de la Propos. 44, part. 2), et qu’il appartient aussi à la nature de l’âme de concevoir l’essence du corps sous le caractère de l’éternité (par la Propos. 23), et comme enfin, hormis ces deux choses, rien de plus n’appartient à l’essence de l’âme (par la Propos. 13, part. 2), il s’ensuit que cette puissance de concevoir les choses sous le caractère de l’éternité n’appartient à l’âme qu’en tant qu’elle conçoit l’essence du corps sous le caractère de l’éternité. C. Q. F. D.

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