Sommaire du Court Traité de Benoit de Spinoza sur Dieu, l’homme et la santé de son âme.

Composé de deux parties avec, en outre, un appendice

  • 8 juillet 2006

La [*] première partie de ce Traité est divisée en dix chapitres.

Dans le chapitre I l’auteur nous fait connaître qu’il existe en lui-même une idée de Dieu : conformément à cette idée il définit Dieu comme un être qui se compose d’attributs infinis, dont chacun est en son genre infiniment parfait ; et de là il déduit ensuite que l’existence appartient à son essence, ou que Dieu doit exister nécessairement.

Pour faire voir clairement quelles perfections sont contenues en particulier dans la nature et essence divine, il passe, dans le chapitre II, à la considération de la nature de la substance. - Il s’efforce de démontrer à son sujet qu’elle est nécessairement infinie, qu’en conséquence il ne peut réellement exister qu’une seule substance et qu’il est impossible que l’une soit produite par l’autre (qu’elle soit finie ou infinie) [**] mais que tout ce qui existe est compris dans cette substance unique (par lui nommée du nom de Dieu) et qu’ainsi la nature pensante et l’étendue sont deux de ses attributs infinis, dont chacun est parfait au plus haut point et infini en son genre ; c’est pourquoi aussi (comme il l’explique plus amplement par la suite) toutes les choses singulières, finies et déterminées, comme sont les âmes et les corps humains, etc., doivent être conçues comme des modes de ces attributs ; modes par lesquels les attributs eux-mêmes, et par eux la substance, c’est-à-dire Dieu, se manifeste à nous d’une infinité de manières.

Après que tout cela a été éclairci de plus près et exposé avec plus de développement dans des dialogues [***]...

Il en est déduit dans le chapitre III de quelle manière Dieu est une cause des choses, savoir une cause immanente, etc.

Pour nous montrer cependant quelles sont, d’après sa manière de voir, les propriétés [****] essentielles de Dieu il passe,

Au chapitre IV : où il affirme que Dieu est une cause nécessaire de toutes choses ; et que leur nature ne pouvait pas plus être différente de celle qui existe actuellement ou être produite par Dieu sous une autre forme ou dans un autre ordre, qu’il n’est possible que Dieu acquière une autre nature ou essence que celle qui appartient à son existence actuelle et infinie. Et cette détermination dite causale, ou cette nécessité supposée par laquelle les choses sont et agissent, porte ici le nom de première propriété de Dieu.

Là-dessus est considérée, dans le chapitre V, comme une seconde propriété de Dieu une tendance par laquelle, selon le sentiment de l’auteur, la nature entière et conséquemment aussi chaque chose en particulier est déterminée à maintenir son état et son être. Cette tendance, conçue comme une propriété de toutes choses ensemble, est appelée providence générale de Dieu ; mais en tant qu’elle concerne chaque chose en particulier, considérée en elle-même et en dehors de sa liaison avec les autres parties de la Nature, elle porte le nom de providence particulière de Dieu.

Est ensuite présentée dans le chapitre VI, comme troisième propriété de Dieu, la Prédestination ou prédétermination de Dieu qui s’étend sur la nature entière et chaque chose en particulier et exclut toute contingence. Cette théorie se fonde principalement sur le chapitre IV ; après, en effet, qu’on a admis ce principe fondamental de l’auteur que le Tout (appelé Dieu par lui) est nécessaire aussi bien quant à son essence que quant à son existence, et qu’en lui est compris tout ce qui est, il suit alors de ce faux principe cette conclusion inévitable qu’il ne peut rien s’y produire de contingent. Il dit là-dessus, pour écarter certaines objections à lui opposées, séparément son idée sur les vraies causes du mal, du péché et de l’erreur et termine ainsi l’étude des propriétés essentielles de Dieu, d’où il passe,

Au chapitre VII, dans lequel sont énumérées ces propriétés de Dieu considérées par lui comme seulement relatives et non comme essentielles, ou encore comme des dénominations de ses propriétés essentielles. A cette occasion sont brièvement examinées et réfutées les opinions que les Péripatéticiens ont apportées et répandues au sujet de la définition de Dieu et de la démonstration de son existence.

Puis, pour faire clairement concevoir la différence qui existe, suivant l’auteur, entre la nature Naturante et la Naturée, il expose successivement et séparément ce que c’est dans les chapitres VIII et IX.

Après quoi dans le chapitre X, comme dans le Vie, il est montré que les hommes, après avoir formé certains concepts généraux, y avoir rapporté et comparé les choses, se forment par là une idée du bien et du mal ; appelant bonnes les choses, en tant qu’elles s’accordent avec un concept général, et mauvaises en tant qu’elles en diffèrent et ne s’accordent point avec lui ; de sorte que le bien et le mal ne sont aussi que des êtres de raison ou des modes de penser.

Ainsi se termine la première partie de ce Traité.

Dans la deuxième partie l’auteur expose ses pensées sur l’existence de l’homme, savoir : comment il est sujet aux passions et leur esclave ; puis jusqu’où il peut parvenir en faisant usage de sa Raison ; et enfin quel est le moyen par où il peut arriver à son salut et à une liberté parfaite.

Ayant ainsi brièvement parlé, dans la préface de cette partie, de la nature de l’homme,

Il traite dans le chapitre I des différents genres de connaissance ou de perception et montre comment la connaissance est engendrée et naît dans l’homme de quatre façons, savoir :

1° Par ouï-dire, par quelque récit ou un autre signe
2° Par l’expérience nue
3° Par le bon et clair raisonnement ou la croyance droite
4° Par la jouissance interne et l’intuition claire des choses elles-mêmes.

Le tout éclairci et expliqué par un exemple, pris de la règle de trois.

Pour avoir maintenant une idée distincte des effets de ces quatre genres de connaissance, il en est tout d’abord donné, au chapitre II, une définition ; puis il est traité en particulier de chacun ; comme effets du premier genre de connaissance [et du deuxième] [*****], sont désignées les Passions ou Troubles de l’âme, qui sont contraires à la droite Raison ; comme effets du troisième genre de connaissance, les bons Désirs ; du quatrième genre, l’Amour véritable avec ses conséquences.

Dans le chapitre III, il est traité en premier lieu des Passions qui découlent du premier et du deuxième genres de connaissance, c’est-à-dire de l’Opinion comme nommément : l’Admiration, l’Amour, la Haine, le Désir.

Là-dessus est montré dans le chapitre IV de quelle utilité est pour l’homme le troisième genre de connaissance qui lui enseigne comment il doit vivre droitement, sous la conduite de la raison, et l’excite à embrasser cela seulement qui est digne d’être aimé ; qui le conduit à discerner et à mettre à part les Passions qui naissent de l’Opinion et lui indique celles qu’il doit rechercher ou fuir. Et, afin de montrer plus en détail l’usage de la Raison à l’égard des passions, notre auteur traite :

Dans le chapitre V, de l’Amour ;
Dans le VIe, de la Haine et de l’Aversion ;
Dans le VIIe, du Désir, de la Joie et de la Tristesse ;
Dans le VIIIe, l’Estime et du Mépris ; de l’Humilité et de la Noblesse ; de l’Orgueil et de l’ Humilité vicieuse ;
Dans le IXe, de l’Espérance et de la Crainte ; de la Sécurité et du Désespoir ; de la Fluctuation de l’âme, du Courage, de l’Audace et de l’Émulation ; de la Pusillanimité et de la Consternation ; et, enfin, de la Jalousie ;
Dans le Xe, du Remords et du Repentir ;
Dans le XI ème, de la Raillerie et de la Plaisanterie ;
Dans le XIIe, de l’Honneur, de la Honte et de l’Impudence ;
Dans le XIIIème, de la Faveur, de la Reconnaissance et de l’Ingratitude ;
Dans le XIVe, enfin, du Regret.

Après avoir ainsi exposé tout ce qu’il y a à dire, dans son opinion, sur les passions, il passe :

Au chapitre XV, dans lequel est exposé le dernier effet de la croyance vraie ou du troisième genre de connaissance, comme étant le moyen par où le vrai est distingué du faux et vient à notre connaissance. Pensant alors avoir expliqué ce qu’est le Bien et le Mal, la Vérité et la Fausseté, comme aussi en quoi consiste la santé d’âme d’un homme parfait, Spinoza tient pour nécessaire de rechercher si l’on parvient à une telle santé par libre volonté ou nécessairement.

Il montre à ce sujet dans le chapitre XVI ce qu’est la Volonté et soutient là qu’elle n’est pas du tout libre, mais que nous sommes déterminés à tous égards par des causes extérieures à telle ou telle décision volontaire, ou à affirmer et à nier quelque chose.

Pour que cependant la Volonté ne soit pas confondue avec le Désir, il indique, dans le chapitre XVII, la différence entre les deux. Il considère le désir comme étant aussi peu libre que l’entendement et la volonté, et le conçoit de telle sorte que chaque désir, comme chaque volition, soit déterminé par des causes extérieures.

Et, pour engager le lecteur à embrasser toute cette doctrine, il montre dans le chapitre XVIII, longuement et en détail, les nombreux avantages qui, d’après sa manière de voir, y sont contenus.

Afin de savoir maintenant si l’homme, par la Croyance précédemment mentionnée, c’est-à-dire par le troisième genre de connaissance, peut être conduit à la jouissance du souverain bien et de la plus haute félicité, et être délivré des passions en tant qu’elles sont contraires, l’auteur recherche d’abord dans le chapitre XIX et le chapitre XX, touchant ce dernier point, comment l’âme est unie au corps, et comment elle éprouve par lui diverses affections qui, conçues par elle sous la forme du bien et du mal, sont considérées comme la cause des diverses Passions.

Comme d’ailleurs les opinions par où les affections susnommées de notre corps sont conçues comme bonnes ou mauvaises - et par où sont donc engendrées les passions - reposent suivant le chapitre Ier de cette partie : dans le premier genre de connaissance, sur le ouï-dire ou quelque autre signe extrinsèque ; dans le deuxième genre de connaissance sur l’expérience propre ; il en vient, dans le chapitre XXI, à cette conclusion : que tout ce qui est présent en nous-même ayant plus d’influence sur nous que ce qui est apporté du dehors, la raison est bien en état de détruire les idées ou opinions qui naissent en nous seulement par le premier genre de connaissance, parce que la raison ne pénètre pas en nous du dehors comme ces idées ; mais qu’elle n’a pas le même pouvoir à l’égard des idées que nous acquérons par le deuxième genre de connaissance, attendu que quelque chose dont nous jouissons intérieurement ne peut pas être vaincu par quelque chose, fût-il plus puissant, qui nous est extérieur et est contemplé par nous seulement par l’intermédiaire de la raison.

Puis donc que le raisonnement, ou le troisième genre de connaissance, n’est pas en état de nous conduire à la santé de l’âme ou à triompher des Passions qui découlent du deuxième genre de connaissance, Spinoza va se demander dans le chapitre XXII quel peut bien dire le vrai moyen de parvenir à cette fin.

Dieu étant maintenant le bien le plus haut que l’âme puisse connaître et posséder, il conclut que, si une union avec Dieu (ou une connaissance et un amour aussi étroite que celle qu’a notre âme avec le corps et par où elle est affectée [******], pouvait une fois nous être en partage ; non certes une connaissance consistant en conclusions raisonnées, mais une connaissance ou un amour consistant en une jouissance intérieure et une union immédiate avec l’être de Dieu ; par une telle connaissance du quatrième genre donc, nous devrions parvenir un plus haut salut et à la plus haute félicité ; et qu’ainsi ce dernier genre de connaissance n’est pas seulement nécessaire mais qu’il est le seul moyen. Et, comme il se produit par là en nous l’effet le plus excellent et une constance inaltérable (en ceux qui en jouissent) [*******] il donne à cet état le nom de Régénération

Comme d’ailleurs l’âme humaine, suivant son sentiment, est l’idée, se trouvant dans la substance pensante, d’une certaine chose, et que cette âme est unie à la chose par cette idée, il déduit de là, dans le chapitre XXIII, que la constance de l’âme ou sa mutabilité doivent être déterminées à proportion de la nature de la chose dont elle est l’idée ; et que l’âme donc, en cas qu’elle consiste seulement dans une union avec une chose temporaire et changeante (comme l’est le corps) doit nécessairement pâtir et périr avec lui ; tandis qu’au contraire elle sera libérée de toute Passion et aura part à l’immortalité, si elle est unie avec une chose qui est éternelle et immuable de sa nature.

Pour ne rien omettre de ce qui mérite d’être observé concernant ces choses, notre auteur recherche, dans le chapitre XXIV, si l’Amour de l’homme pour Dieu est payé de retour, c’est-à-dire s’il implique que Dieu chérit où aime l’homme. Après l’avoir nié il explique, conformément à la doctrine déjà exposée par lui, ce que sont les lois divines et humaines. Puis il réfute l’opinion de ceux qui veulent que Dieu se révèle et se fasse connaître à l’homme par quelque autre chose que par sa propre essence ; à savoir par quelque chose de fini ou de limité, ou sous quelque signe extérieur, par exemple par des paroles ou des miracles.

Attendu que, selon son sentiment, la durée d’une chose dépend de sa propre perfection ou de son union avec quelque chose d’une nature plus parfaite, il nie qu’il existe un Diable, parce qu’il juge qu’une chose privée de toute perfection et de toute union à la perfection (et ainsi définit-il le Diable) ne peut avoir ni essence ni existence.

Après donc que notre auteur, ayant laissé le diable de côté et l’ayant jugé superflu, à déduit les Passions de la seule considération de la nature humaine et a indiqué le moyen par où elles peuvent être domptées et par où la plus haute félicité de l’espèce humaine peut être atteinte, il fait voir, dans le chapitre XXVI, en quoi consiste la vraie liberté de l’Homme, qui découle du quatrième genre de connaissance. Pour cela il pose d’abord les principes suivants :

1° Plus une chose a d’essence, plus d’action et moins de passion il doit lui être attribué
2° Tout ce qui est passion provient d’une nécessité extérieure et non d’une cause interne
3° Ce qui n’est pas produit par une cause extérieure n’a aussi rien de commun avec elle
4° L’effet d’une cause immanente ne peut changer ou périr aussi longtemps que dure la cause
5° La cause la plus libre de toutes et qui convient le mieux à Dieu est l’immanente.

De ces propositions il déduit ensuite les conséquences suivantes :

PREMIÈRE CONSÉQUENCE. - Puisque l’essence de Dieu contient une action infinie et implique la négation de toute passion, pour cette raison, tout ce qui est uni à lui a part à l’action et est libre de toute passion et corruption.

DEUXIÈME CONSÉQUENCE. - L’entendement vrai ne peut périr.

TROISIÈME CONSÉQUENCE. - Tout ce qui est effet de l’entendement vrai, uni à lui, est excellent au suprême degré et, comme sa cause, nécessairement éternel.

QUATRIÈME CONSÉQUENCE. - Toutes les choses que nous produisons hors de nous sont d’autant plus parfaites qu’elles sont mieux disposées de façon à pouvoir s’unir à nous.

De tout cela il déduit enfin que la liberté humaine consiste dans un être ferme que notre entendement acquiert par son union immédiate avec Dieu ; de façon que ni elle-même [l’âme humaine [********]], ni rien de ce qui en provient, ne soit soumis à aucune nécessité extérieure ou ne puisse par une telle cause être détruit ou modifié, mais doive persister dans une durée éternelle et immuable.

Et ainsi Spinoza termine cette deuxième et dernière partie de son ouvrage.

A la suite il a voulu encore mettre une sorte d’Appendice ou d’Addition ne contenant pas autre chose qu’une courte esquisse des choses comprises dans ce qui précède et dont la première partie, sur la nature de la substance, ordonnée à la manière géométrique, concorde, quant à son contenu, avec ce qui se trouve dans son Éthique imprimée jusqu’à la huitième proposition de la première partie ; tandis que dans la deuxième partie il recherche ce qu’est l’âme humaine et en quoi consiste son union avec le corps.

En outre, Spinoza a enrichi l’ouvrage d’Annotations destinées à éclaircir et à développer ses idées.


[*Je traduis par santé de l’âme le mot welstand que je suppose correspondre à valetudo. Voir la préface jointe au titre du Traité.

[**Les mots quelle soit finie ou infinie sont, dans le texte manuscrit, placés de telle sorte qu’ils se rapportent au mot substance dans la première partie de la phrase, ce qui donnait : il ne peut exister qu’une substance sait finie, soit infinie. W. Meijer a certainement raison de corriger comme il fait.

[****Je traduis ici par propriété le mot hollandais eigenschap (que précédemment j’ai traduit par attribut) pour me conformer à la terminologie du traité (terminologie d’ailleurs incertaine, le traducteur hollandais ne distinguant pas toujours les Propria des Attributa).

[*****Ajouté par W. Meijer d’après le manuscrit B.

[******Dans ce membre de phrase, je ne suis pas tout à fait le hollandais, qui est ici un peu confus. J’interprète en tenant compte du texte du chapitre XXII.

[*******Conformément aux indications du manuscrit B, et à l’exemple de W. Meijer, je place ici ces mots qui, dans le texte, sont après Régénération.

[********J’ajoute ces mots indispensables pour la clarté et faciles à suppléer en ayant égard au texte du traité.

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