EII - Proposition 49

  • 29 avril 2004

Il n’y a dans l’Âme aucune volition, c’est-à-dire aucune affirmation et aucune négation, en dehors de celle qu’enveloppe l’idée en tant qu’elle est idée.

DÉMONSTRATION

Il n’y a dans l’Âme (Prop. préc.) aucune faculté absolue de vouloir et de non-vouloir, mais seulement des volitions singulières, c’est-à-dire telle et telle affirmation et telle et telle négation. Concevons donc quelque volition singulière, soit un mode de penser par lequel l’Âme affirme que les trois angles d’un triangle égalent deux droits. Cette affirmation enveloppe le concept ou l’idée du triangle, c’est-à-dire ne peut être conçue sans l’idée du triangle. Car c’est tout un de dire que A doit envelopper le concept de B ou que A ne peut se concevoir sans B, et une telle affirmation (Ax. 3) aussi ne peut être sans l’idée du triangle. De plus, cette idée du triangle doit envelopper cette même affirmation, à savoir que ses trois angles égalent deux droits. Donc, inversement, cette idée du triangle ne peut ni être ni être conçue sans cette affirmation, et ainsi (Déf. 2) cette affirmation appartient à l’essence de l’idée du triangle et n’est rien en dehors d’elle. Et ce que nous avons dit de cette volition (puisque nous l’avons prise ad libitum), on devra le dire aussi d’une volition quelconque, à savoir qu’elle n’est rien en dehors de l’idée. C.Q.F.D. [*]


In mente nulla datur volitio sive affirmatio et negatio præter illam quam idea quatenus idea est, involvit.

DEMONSTRATIO :

In mente (per propositionem præcedentem) nulla datur absoluta facultas volendi et nolendi sed tantum singulares volitiones nempe hæc et illa affirmatio et hæc et illa negatio. Concipiamus itaque singularem aliquam volitionem nempe modum cogitandi quo mens affirmat tres angulos trianguli æquales esse duobus rectis. Hæc affirmatio conceptum sive ideam trianguli involvit hoc est sine idea trianguli non potest concipi. Idem enim est si dicam quod A conceptum B debeat involvere ac quod A sine B non possit concipi. Deinde hæc affirmatio (per axioma 3 hujus) non potest etiam sine idea trianguli esse. Hæc ergo affirmatio sine idea trianguli nec esse nec concipi potest. Porro hæc trianguli idea hanc eandem affirmationem involvere debet nempe quod tres ejus anguli æquentur duobus rectis. Quare et vice versa hæc trianguli idea sine hac affirmatione nec esse nec concipi potest adeoque (per definitionem 2 hujus) hæc affirmatio ad essentiam ideæ trianguli pertinet nec aliud præter ipsam est. Et quod de hac volitione diximus (quandoquidem eam ad libitum sumpsimus) dicendum etiam est de quacunque volitione nempe quod præter ideam nihil sit. Q.E.D.


[*(Saisset :) Il n’y a dans l’âme aucune autre volitions, c’est-à-dire aucune autre affirmation ou négation, que celle que l’idée, en tant qu’idée, enveloppe. Démonstration Il n’y a dans l’âme (par la Propos. précéd.) aucune faculté absolue de vouloir ou de ne pas vouloir, mais seulement des volitions particulières, comme telle ou telle affirmation, telle ou telle négation. Supposons donc une certaine volition particulière, par exemple, ce mode de la pensée par lequel l’âme affirme que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits. Cette affirmation enveloppe le concept ou l’idée du triangle, c’est-à-dire ne peut être conçue sans l’idée du triangle ; car c’est même chose de dire : A doit envelopper B, ou bien : A ne peut pas être conçu sans B. Maintenant (d’après l’Axiome 3) cette affirmation ne peut exister sans l’idée du triangle. Elle ne peut donc ni être conçue, ni exister sans cette idée. De même, l’idée du triangle doit envelopper cette même affirmation, que les trois angles du triangle sont égaux à deux droits ; de sorte que, réciproquement, elle ne peut ni exister, ni être conçue sans elle : par conséquent (en vertu de la Déf. 2) cette affirmation se rapporte à l’essence de l’idée du triangle, et n’est absolument rien autre chose. Or, ce que nous disons de cette volition (que nous avons prise comme toute autre), il faut le dire aussi de toute volition quelconque, savoir qu’elle n’est rien de distinct de l’idée. C. Q. F. D.

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