EV - Préface

  • 29 juin 2004

Je passe enfin à cette autre partie de l’Éthique où il s’agit de la manière de parvenir à la liberté ou de la voie y conduisant. J’y traiterai donc de la puissance de la raison, montrant ce que peut la Raison elle-même contre les affections et ensuite ce qu’est la liberté de l’Âme ou Béatitude ; par où nous verrons combien le sage l’emporte en pouvoir sur l’ignorant. Quant à la manière de porter l’Entendement à sa perfection et à la voie y conduisant, ce sont choses qui n’appartiennent pas au présent ouvrage, non plus que l’art de traiter le Corps de façon qu’il puisse remplir convenablement sa fonction ; cette dernière question est du ressort de la Médecine, l’autre de la Logique. Ici, comme je l’ai dit, je traiterai donc de la seule puissance de l’Âme, c’est-à-dire de la Raison, et avant tout je montrerai combien d’empire et quelle sorte d’empire elle a sur les affections pour les réduire et les gouverner. Nous n’avons pas en effet sur elles un empire absolu, comme nous l’avons déjà démontré. Les Stoïciens, à la vérité, ont cru qu’elles dépendaient absolument de notre volonté et que nous pouvions leur commander absolument. Les protestations de l’expérience, non certes leurs propres principes, les ont cependant contraints de reconnaître la nécessité pour réduire et gouverner les affections d’un exercice assidu et d’une longue étude. L’un d’eux s’est efforcé de le montrer par l’exemple de deux chiens (si j’ai bon souvenir), l’un domestique et l’autre de chasse : l’exercice, disait-il, peut faire que le chien domestique s’accoutume à chasser ; le chien de chasse au contraire à s’abstenir de la poursuite des lièvres. Cette opinion trouverait grande faveur auprès de Descartes, car il admet que l’Âme ou la Pensée est unie principalement à une certaine partie du cerveau, à savoir la petite glande dite pinéale ; par son moyen l’Âme a la sensation de tous les mouvements excités dans le Corps et des objets extérieurs, et elle peut la mouvoir en divers sens par cela seul qu’elle le veut. Celte petite glande est suspendue d’après lui au milieu du cerveau de telle façon qu’elle puisse être mue par le moindre mouvement des esprits animaux. De plus, cette glande, suspendue au milieu du cerveau, occupe autant de positions différentes qu’il y a de manières pour elle de recevoir le choc des esprits animaux, et en outre autant de traces différentes s’impriment en elle qu’il y a d’objets extérieurs différents poussant vers elle les esprits animaux ; de la sorte, si la glande plus tard se trouve, par la volonté de l’Âme qui la meut diversement, occuper telle ou telle position qu’elle a précédemment occupée sous l’action des esprits animaux diversement agités, elle les poussera et les dirigera de la même façon qu’ils ont été repoussés quand la glande occupait cette même position. En outre, chaque volonté de l’Âme est unie par la Nature à un certain mouvement de la glande. Par exemple, si l’on a la volonté de regarder un objet éloigné, cette volonté fera que la pupille se dilate ; mais, si l’on a seulement la pensée que la pupille devrait se dilater, il ne servira de rien d’en avoir la volonté, parce que la Nature n’a pas joint le mouvement de la glande servant à pousser les esprits animaux vers le nerf optique de la façon qui convient pour dilater ou contracter la pupille, à la volonté de la dilater ou de la contracter, mais seulement à la volonté de regarder des objets éloignés ou rapprochés. Enfin, bien que chaque mouvement de la glande pinéale paraisse lié par la Nature au commencement de la vie à telle pensée singulière parmi celles que nous formons, il peut cependant, en vertu de l’habitude, être joint à d’autres ; comme il s’efforce de le prouver article 50, partie I, des Passions de l’Âme. Il conclut de là que nulle Âme, pour faible qu’elle soit, n’est incapable, avec une bonne direction, d’acquérir un pouvoir absolu sur ses Passions. Elles sont en effet, suivant sa définition, des perceptions, ou des sentiments, ou des émotions de l’Âme, qui se rapportent exclusivement à elle et qui (nota bene) sont produites, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits (voir art. 27, partie I, des Passions de l’Âme). Mais, puisque nous pouvons joindre à une volonté quelconque un mouvement quelconque de la glande et conséquemment des esprits, et que la détermination de la volonté dépend de notre seul pouvoir, si nous déterminons notre volonté par des jugements fermes et assurés suivant lesquels nous voulons diriger les actions de notre vie, et joignons à ces jugements les mouvements des passions que nous voulons avoir, nous acquerrons un empire absolu sur nos Passions. Telle est la manière de voir de cet Homme très célèbre (autant que je peux le conjecturer d’après ses paroles) et j’eusse eu peine à croire qu’elle provînt d’un tel homme si elle était moins subtile. En vérité je ne puis assez m’étonner qu’un Philosophe, après s’être fermement résolu à ne rien déduire que de principes connus d’eux-mêmes, et à ne rien affirmer qu’il ne le perçût clairement et distinctement, après avoir si souvent reproché aux Scolastiques de vouloir expliquer les choses obscures par des qualités occultes, admette une hypothèse plus occulte que toute qualité occulte. Qu’entend-il, je le demande, par l’union de l’Âme et du Corps ? Quelle conception claire et distincte a-t-il d’une pensée très étroitement liée à une certaine petite portion de l’étendue ? Je voudrais bien qu’il eût expliqué cette union par sa cause prochaine. Mais il avait conçu l’Âme distincte du Corps, de telle sorte qu’il n’a pu assigner aucune cause singulière ni de cette union ni de l’Âme elle-même, et qu’il lui a été nécessaire de recourir à la cause de tout l’Univers, c’est-à-dire à Dieu. Je voudrais, de plus, savoir combien de degrés de mouvement l’Âme peut imprimer à cette glande pinéale et avec quelle force la tenir suspendue. Je ne sais en effet si cette glande est mue par l’Âme de-ci de-là plus lentement ou plus vite que par les esprits animaux, et si les mouvements de Passions que nous avons joints étroitement à des jugements fermes ne peuvent pas en être disjoints par des causes corporelles ; d’où suivrait qu’après s’être fermement proposé d’aller à la rencontre des dangers et avoir joint à ce décret des mouvements d’audace, à la vue du péril la glande se trouvât occuper une position telle que l’Âme ne pût penser qu’à la fuite ; et certes, n’y ayant nulle commune mesure entre la volonté et le mouvement, il n’y a aucune comparaison entre la puissance - ou les forces - de l’Âme et celle du Corps ; conséquemment les forces de ce dernier ne peuvent être dirigées par celles de la première. Ajoutez qu’on cherche en vain une glande située au milieu du cerveau de telle façon qu’elle puisse être mue de-ci de-là avec tant d’aisance et de tant de manières, et que tous les nerfs ne se prolongent pas jusqu’aux cavités du cerveau. Je laisse de côté enfin tout ce qu’affirme Descartes sur la volonté et sa liberté, puisque j’en ai assez et surabondamment montré la fausseté. Puis donc que la puissance de l’Âme se définit, je l’ai fait voir plus haut, par la science seule qui est en elle, nous déterminerons les remèdes aux affections, remèdes dont tous ont, je crois, quelque expérience, mais qu’ils n’observent pas avec soin et ne voient pas distinctement, par la seule connaissance de l’Âme et nous en déduirons tout ce qui concerne sa béatitude. [*]


PRÆFATIO

Transeo tandem ad alteram Ethices partem quæ est de modo sive via quæ ad libertatem ducit. In hac ergo de potentia rationis agam ostendens quid ipsa ratio in affectus possit et deinde quid mentis libertas seu beatitudo sit, ex quibus videbimus quantum sapiens potior sit ignaro. Quomodo autem et qua via debeat intellectus perfici et qua deinde arte corpus sit curandum ut possit suo officio recte fungi, huc non pertinet ; hoc enim ad medicinam, illud autem ad logicam spectat. Hic igitur ut dixi de sola mentis seu rationis potentia agam et ante omnia quantum et quale imperium in affectus habeat ad eosdem coercendum et moderandum ostendam. Nam nos in ipsos imperium absolutum non habere jam supra demonstravimus. Stoici tamen putarunt eosdem a nostra voluntate absolute pendere nosque iis absolute imperare posse. Attamen ab experientia reclamante, non vero ex suis principiis coacti sunt fateri usum et studium non parvum requiri ad eosdem coercendum et moderandum ; quod quidam exemplo duorum canum (si recte memini) unius scilicet domestici, alterius venatici conatus est ostendere nempe quia usu efficere tandem potuit ut domesticus venari, venaticus contra a leporibus sectandis abstinere assuesceret. Huic opinioni non parum favet Cartesius. Nam statuit animam seu mentem unitam præcipue esse cuidam parti cerebri, glandulæ scilicet pineali dictæ cujus ope mens motus omnes qui in corpore excitantur, et objecta externa sentit quamque mens eo solo quod vult, varie movere potest. Hanc glandulam in medio cerebri ita suspensam esse statuit ut minimo spirituum animalium motu possit moveri. Deinde statuit quod hæc glans tot variis modis in medio cerebro suspendatur quot variis modis spiritus animales in eandem impingunt et quod præterea tot varia vestigia in eadem imprimantur quot varia objecta externa ipsos spiritus animales versus eandem propellunt, unde fit ut si glans postea ab animæ voluntate illam diversimode movente hoc aut illo modo suspendatur quo semel fuit suspensa a spiritibus hoc aut illo modo agitatis, tum ipsa glans ipsos spiritus animales eodem modo propellet et determinabit ac antea a simili glandulæ suspensione repulsi fuerant. Præterea statuit unamquamque mentis voluntatem natura esse unitam certo cuidam glandis motui. Exempli gratia si quis voluntatem habet objectum remotum intuendi, hæc voluntas efficiet ut pupilla dilatetur sed si de sola dilatanda pupilla cogitet, nihil proderit ejus rei habere voluntatem quia natura non junxit motum glandis qui inservit impellendis spiritibus versus nervum opticum modo conveniente dilatandæ vel contrahendæ pupillæ cum voluntate eandem dilatandi vel contrahendi sed demum cum voluntate intuendi objecta remota vel proxima. Denique statuit quod etsi unusquisque motus hujus glandulæ videatur connexus esse per naturam singulis ex nostris cogitationibus ab initio nostræ vitæ, aliis tamen per habitum possunt jungi, quod probare conatur articulo 50 partis I de passionibus animæ. Ex his concludit nullam esse tam imbecillem animam quæ non possit cum bene dirigitur, acquirere potestatem absolutam in suas passiones. Nam hæ ut ab eo definiuntur, sunt "perceptiones aut sensus aut commotiones animæ quæ ad eam speciatim referuntur quæque nota bene producuntur, conservantur et corroborantur per aliquem motum spirituum" (vide articulum 27 partis I passionum animæ). At quandoquidem cuilibet voluntati possumus jungere motum quemcunque glandis et consequenter spirituum et determinatio voluntatis a sola nostra potestate pendet, si igitur nostram voluntatem certis et firmis judiciis secundum quæ nostræ vitæ actiones dirigere volumus, determinemus et motus passionum quas habere volumus, hisce judiciis jungamus, imperium acquiremus absolutum in nostras passiones. Hæc est clarissimi hujus viri sententia (quantum ex ipsius verbis conjicio) quam ego vix credidissem a tanto viro prolatam esse si minus acuta fuisset. Profecto mirari satis non possum quod vir philosophus qui firmiter statuerat nihil deducere nisi ex principiis per se notis et nihil affirmare nisi quod clare et distincte perciperet et qui toties scholasticos reprehenderat quod per occultas qualitates res obscuras voluerint explicare, hypothesin sumat omni occulta qualitate occultiorem. Quid quæso per mentis et corporis unionem intelligit ? Quem inquam clarum et distinctum conceptum habet cogitationis arctissime unitæ cuidam quantitatis portiunculæ ? Vellem sane ut hanc unionem per proximam suam causam explicuisset. Sed ille mentem a corpore adeo distinctam conceperat ut nec hujus unionis nec ipsius mentis ullam singularem causam assignare potuerit sed necesse ipsi fuerit ad causam totius Universi hoc est ad Deum recurrere. Deinde pervelim scire quot motus gradus potest glandulæ isti pineali mens tribuere et quanta cum vi eandem suspensam tenere potest. Nam nescio an hæc glans tardius vel celerius a mente circumagatur quam a spiritibus animalibus et an motus passionum quos firmis judiciis arcte junximus, non possint ab iisdem iterum a causis corporeis disjungi ; ex quo sequeretur ut quamvis mens firmiter proposuerit contra pericula ire atque huic decreto motus audaciæ junxerit, viso tamen periculo, glans ita suspendatur ut mens non nisi de fuga possit cogitare et sane cum nulla detur ratio voluntatis ad motum, nulla etiam datur comparatio inter mentis et corporis potentiam seu vires et consequenter hujus vires nequaquam viribus illius determinari possunt. His adde quod nec hæc glans ita in medio cerebro sita reperiatur ut tam facile totque modis circumagi possit et quod non omnes nervi ad cavitates usque cerebri protendantur. Denique omnia quæ de voluntate ejusque libertate asserit, omitto quandoquidem hæc falsa esse satis superque ostenderim. Igitur quia mentis potentia ut supra ostendi, sola intelligentia definitur, affectuum remedia quæ omnes experiri quidem sed non accurate observare nec distincte videre credo sola mentis cognitione, determinabimus et ex eadem illa omnia quæ ad ipsius beatitudinem spectant, deducemus.


[*(Saisset :) Je passe enfin à cette partie de l’Éthique qui a pour objet de montrer la voie qui conduit à la liberté. J’y traiterai de la puissance de la raison, en expliquant l’empire que la raison peut exercer sur les passions ; je dirai ensuite en quoi consistent la liberté de l’âme et son bonheur ; on pourra mesurer alors la différence qui sépare le savant de l’ignorant. Quant à la manière de perfectionner son esprit et de gouverner son corps pour le rendre propre aux fonctions qu’il doit remplir, cela n’est pas de notre sujet, et rentre dans la médecine et dans la logique. Je ne traite ici, encore un coup, que de la puissance de l’âme ou de la raison, et avant tout, de la nature et de l’étendue de l’empire qu’elle exerce pour réprimer et gouverner nos passions. Nous avons déjà démontré que cet empire n’est pas absolu. Les stoïciens ont voulu soutenir que nos passions dépendent entièrement de notre volonté, et que nous pouvons les gouverner avec une autorité sans bornes ; mais l’expérience les a contraints d’avouer, en dépit de leurs principes, qu’il ne faut pas peu de soins et d’habitude pour contenir et régler nos passions. C’est ce que, si j’ai bonne mémoire, quelqu’un s’est avisé de démontrer par l’exemple de deux chiens, l’un domestique, l’autre chasseur, que l’on parvint à dresser de telle sorte que le chien domestique faisait la guerre aux lièvres, tandis que le chien de chasse s’abstenait de les poursuivre. Descartes est tout à fait favorable à cette opinion. Car l’âme est, suivant lui, unie principalement à une certaine partie du cerveau qu’on nomme la glande pinéale, par le moyen de laquelle l’âme sent tous les mouvements du corps et les objets extérieurs, et que l’esprit met en branle de diverses façons par l’effet de sa seule volonté. Cette glande est suspendue de telle sorte au milieu du cerveau que le moindre mouvement des esprits animaux suffit pour la mouvoir. Cette suspension se diversifie suivant l’action des esprits sur la glande, et la glande elle-même reçoit toutes les impressions que les objets extérieurs communiquent aux esprits animaux ; d’où il résulte que si la volonté de l’âme place la glande dans une position où les esprits l’avaient déjà mise une autre fois, elle réagit sur eux à son tour, et les met dans la disposition où ils étaient ; quand ils exercèrent sur elle cette influence. En outre, dans la théorie de Descartes, chaque détermination de la volonté est unie à un certain mouvement de la glande. Par exemple, que quelqu’un veuille regarder un objet éloigné, ce vouloir aura pour effets de dilater sa pupille ; mais s’il veut précisément dilater sa pupille et rien de plus, ce vouloir ne sera pas efficace, parce que le mouvement de la glande qui sert à pousser les esprits vers le nerf optique pour dilater ou contracter la prunelle n’a pas été attaché par la nature à la volonté de la dilater ou de la contracter, mais bien à la volonté de regarder des objets éloignés ou rapprochés. Enfin Descartes établit que ces mouvements de la glande ; attachés par la nature dès le commencement de notre vie à chacune de nos pensées, peuvent être unis à d’autres pensées par l’effet de l’habitude ; c’est ce qu’il s’efforce d’établir dans l’art. 50 de la 1re part., des Passions de l’âme. La conclusion est qu’il n’est point d’âme si faible qu’une bonne direction ne puisse rendre maîtresse souveraine de ses passions. Il définit les passions des perceptions, des sentiments ou des émotions de l’âme, qui lui sont rapportés spécialement et qui sont produits, conservés et augmentés par quelque mouvement des esprits (voyez art. 27, 1re part., des Passions de l’âme). Or, si à telle volition, nous pouvons, à notre gré, joindre tel mouvement de la glande, et par conséquent des esprits, et que la détermination de la volonté ne dépende que de notre seule puissance, il ne reste plus, pour acquérir un empire absolu sur nos passions, qu’à soumettre notre volonté aux principes fixes et arrêtés dont nous voulons faire les mobiles de notre conduite, et à conformer à ces principes les mouvements des passions que nous voulons avoir. Telle est, autant que je la puis comprendre, la doctrine de ce grand homme, et je m’étonnerais qu’il l’eût proposées si elle était moins ingénieuse. Je ne puis assez m’étonner que ce philosophe, qui a pris pour règle de ne tirer des conclusions que de principes évidents par eux-mêmes, et de ne rien affirmer qu’il n’en eût une conception claire et distincte ; qui d’ailleurs reproche si souvent à l’école d’expliquer les choses obscures par les qualités occultes, se contente d’une hypothèse plus occulte que les qualités occultes elles-mêmes. Qu’entend-il, je le demande, par l’union de l’âme et du corps ? Quelle idée claire et distincte peut-il avoir d’une pensée étroitement unie à une portion de l’étendue ? Je voudrais au moins qu’il eût expliqué cette union par la cause prochaine. Mais dans sa philosophie la distinction entre l’âme et le corps est si radicale qu’il n’aurait pu assigner une cause déterminée ni à cette union ni à l’âme elle-même, et il aurait été contraint de recourir à la cause de l’univers, c’est-à-dire à Dieu. Je voudrais savoir aussi combien de degrés de mouvement l’esprit peut donner à cette glande pinéale, et avec quel degré de force il peut la tenir suspendue. Je ne sais si le mouvement que lui imprime l’âme est plus rapide ou plus lent que celui qui lui vient des esprits animaux, et si le mouvement des passions, que nous avons étroitement uni à des principes arrêtés, ne pourrait pas en être séparé par des causes corporelles ; d’où il résulterait que, malgré la résolution prise par l’âme d’aller au-devant du péril, et l’union opérée entre cette résolution et le mouvement qui produit l’audace, la glande pourrait se trouver, à la vue du péril, suspendue de telle sorte que l’âme se vit hors d’état de songer à autre chose qu’à la fuite. Et certes, puisqu’il n’y a aucun rapport entre la volonté et le mouvement, il n’y a rien de commun entre la puissance ou les forces de l’esprit et celles du corps, et par conséquent les forces de l’un ne peuvent être déterminées par celles de l’autre. Ajoutez que cette glande n’est pas placée dans le cerveau de manière à recevoir facilement tant d’impulsions diverses, et que tous les nerfs ne s’étendent pas jusqu’aux cavités du cerveau. Enfin je passe tout ce qu’il dit sur la volonté et le libre arbitre, car j’ai démontré suffisamment toute la fausseté de sa doctrine sur ce point. Ainsi, puisque la puissance de l’âme, comme je l’ai fait voir, est déterminée par l’intelligence toute seule, nous ne chercherons que dans la connaissance de l’âme ces remèdes des passions que tout le monde essaye, mais que personne ne sait ni bien employer ni bien connaître, et c’est exclusivement de cette connaissance que nous conclurons tout ce qui regarde son bonheur.

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