TRE - 108

  • 1er octobre 2005


Les propriétés de l’entendement que j’ai principalement remarquées et que je connais sont les suivantes :
I. Il enveloppe en lui la certitude, c’est-à-dire il sait que les choses sont formellement comme elles sont contenues en lui objectivement.
II. Il perçoit certaines choses, autrement dit, il forme certaines idées absolument, en forme d’autres idées. Ainsi il forme l’idée de quantité absolument, sans avoir égard à d’autres, mais il ne forme pas les idées de mouvement sans avoir égard à l’idée de quantité.
III. Les idées qu’il forme absolument expriment une infinité ; quant aux idées déterminées, il les forme d’autres idées. Ainsi pour l’idée de quantité : quand il la perçoit par sa cause, alors il détermine une quantité, comme, par exemple, quand il conçoit que du mouvement d’une surface naît un corps, du mouvement d’une ligne une surface, de celui d’un point une ligne ; toutes ces perceptions ne servent pas à rendre plus claire l’idée de quantité mais seulement à déterminer une quantité. Cela se reconnaît à ce que nous concevons ces choses comme si elles naissaient du mouvement, alors que cependant nous ne percevons pas le mouvement avant d’avoir perçu la quantité et que nous pouvons aussi prolonger à l’infini le mouvement qui engendre la ligne, ce qui nous serait impossible si nous n’avions pas l’idée de la quantité infinie.
IV. Il forme des idées positives avant d’en former de négatives.
V. Il perçoit les choses non tant dans la durée que sous une certaine forme d’éternité et d’infinité numérique, ou plutôt il n’a égard, pour percevoir les choses, ni au nombre ni à la durée. C’est quand il se représente les choses par l’imagination qu’il les perçoit sous la forme d’un nombre déterminé, d’une durée et d’une quantité déterminées.
VI. Les idées que nous formons claires et distinctes semblent découler de la seule nécessité de notre nature, de telle façon qu’elles paraissent dépendre absolument de notre puissance seule ; c’est le contraire pour les idées confuses ; car celles-là se forment souvent en dépit de nous.
VII. L’esprit peut déterminer de beaucoup de manières les idées des choses que l’entendement formé d’autres idées ; c’est ainsi que, pour déterminer, par exemple, une surface elliptique, il se représente une pointe appliquée contre une corde et se mouvant autour de deux points fixes, ou conçoit des points infinis en nombre qui soutiennent un certain rapport constant avec une ligne droite, ou encore un cône coupé par un plan oblique dont l’angle d’inclinaison soit plus grand que l’angle au sommet du cône, ou procède encore d’une infinité d’autres manières.
VIII. Les idées sont d’autant plus parfaites qu’il y a plus de perfection dans l’objet qu’elles expriment : nous n’admirons pas autant l’artiste qui a conçu l’idée d’une pagode que celui qui a conçu l’idée d’un temple magnifique.


Intellectus proprietates, quas praecipue notavi et clare intelligo, hae sunt.
I. Quod certitudinem involvat, hoc est, quod sciat res ita esse formaliter, ut in ipso obiective continentur.
II. Quod quaedam percipiat, sive quasdam formet ideas absolute, quasdam ex aliis. Nempe quantitatis ideam format absolute, nec ad alias attendit cogitationes ; motus vero ideas non, nisi attendendo ad ideam quantitatis.
III. Quas absolute format, infinitatem exprimunt ; at determinatas ex aliis format. Ideam enim quantitatis, si eam per causam percipit, tum per quantitatem determinat, ut cum ex motu alicuius plani corpus, ex motu lineae vero planum, ex motu denique puncti lineam oriri percipit ; quae quidem perceptiones non inserviunt ad intelligendam, sed tantum ad determinandam quantitatem. Quod inde apparet, quia eas quasi ex motu oriri concipimus, cum tamen motus non percipiatur nisi percepta quantitate, et motum etiam ad formandam lineam in infinitum continuare possumus, quod minime possemus facere, si non haberemus ideam infinitae quantitatis.
IV. Ideas positivas prius format, quam negativas.
V. Res non tam sub duratione, quam sub quadam specie aeternitatis percipit et numero infinito ; vel potius ad res percipiendas, nec ad numerum, nec ad durationem attendit. Cum autem res imaginatur, eas sub certo numero, determinata duratione et quantitate percipit.
VI. Ideae, quas claras et distinctas formamus, ita ex sola necessitate nostrae naturae sequi videntur, ut absolute a sola nostra potentia pendere videantur ; confusae autem contra. Nobis enim invitis saepe formantur.
VII. Ideas rerum, quas intellectus ex aliis format, multis modis mens determinare potest ; ut ad determinandum ex. gr. planum ellipseos, fingit stylum chordae adhaerentem circa duo centra moveri, vel concipit infinita puncta eandem semper et certam rationem ad datam aliquam rectam lineam habentia, vel conum plano aliquo obliquo sectum, ita ut angulus inclinationis maior sit angulo verticis coni, vel aliis infinitis modis.
VIII. Ideae quo plus perfectionis alicuius obiecti exprimunt, eo perfectiores sunt. Nam fabrum, qui fanum aliquod excogitavit, non ita admiramur, ac illum, qui templum aliquod insigne excogitavit.