TRE - 78

  • 25 septembre 2005


Il n’y a pas dans l’âme, disons-nous donc, de doute dû à la chose même dont on doute, c’est-à-dire s’il n’y avait dans l’âme qu’une seule idée, qu’elle fût vraie ou fausse, il n’y aurait place pour aucun doute et pour aucune certitude ; il n’y aurait qu’une sensation de telle ou telle sorte. Car cette idée n’est en soi rien de plus qu’une sensation de telle ou telle sorte, mais le doute se forme par le moyen d’une autre idée qui n’est pas si claire et distincte qu’on en puisse rien conclure de certain à l’égard de la chose dont on doute, c’est-à-dire que l’idée qui nous incline au doute n’est pas claire et distincte. Par exemple quelqu’un qui n’a jamais eu la pensée occupée de l’illusion des sens - si elle vient de l’expérience ou a une autre origine - ne doutera jamais si le soleil est plus grand ou plus petit qu’il ne paraît. C’est ainsi que les paysans s’étonnent maintes fois, quand ils entendent dire que le soleil est beaucoup plus grand que le globe terrestre ; mais [1] le doute prend naissance en pensant à l’illusion des sens, et si, après avoir douté, on parvient à la connaissance vraie des sens et de la façon dont, par leurs organes, les choses sont représentées à distance, alors le doute sera de nouveau levé.


Dubitatio itaque in anima nulla datur per rem ipsam, de qua dubitatur, hoc est, si tantum unica sit idea in anima, sive ea sit vera sive falsa, nulla dabitur dubitatio, neque etiam certitudo, sed tantum talis sensatio. Est enim in se nihil aliud nisi talis sensatio ; sed dabitur per aliam ideam, quae non adeo clara ac distincta est, ut possimus ex ea aliquid certi circa rem, de qua dubitatur, concludere, hoc est, idea, quae nos in dubium coniicit, non est clara et distincta. Ex. gr. si quis nunquam cogitaverit de sensuum fallacia, sive experientia sive quomodocumque sit, nunquam dubitabit, an sol maior aut minor sit, quam apparet. Inde rustici passim mirantur, cum audiunt solem multo maiorem esse, quam globum terrae. Sed cogitando de fallacia sensuum oritur dubitatio [2], et si quis post dubitationem acquisiverit veram cognitionem sensuum, et quomodo per eorum instrumenta res ad distantiam repraesententur, tum dubitatio iterum tollitur.



[1C’est-à-dire le sens sait souvent qu’il a été trompé ; mais il le sait confusément, car il ne sait pas comment les sens trompent.

[2Id est, scit sensus aliquando se decepisse. Sed hoc tantum confuse scit ; nam nescit quomodo sensus fallant. Sp.

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