Traité politique, X, §09

  • 17 mai 2005


Cela posé, voyons maintenant si des États de la sorte décrite peuvent par quelque cause tenant à eux-mêmes être détruits. Si un État cependant peut se perpétuer, ce sera nécessairement celui dont les lois une fois bien établies demeurent inviolées. Car les lois sont l’âme de l’État. Aussi longtemps qu’elles demeurent, l’État subsiste nécessairement. Mais les lois ne peuvent demeurer inviolées si elles ne sont sous la protection et de la raison et des affections communes aux hommes ; autrement, je veux dire si elles n’ont que l’appui de la raison, elles sont peu valides et on en vient aisément à bout. Puis donc que nous avons montré que les lois fondamentales des deux sortes d’État aristocratique s’accordent avec les affections des hommes, nous pouvons affirmer que, s’il y a des États capables de subsister toujours, ce sont ceux-là, et que, s’ils peuvent être détruits, ce n’est pas par une cause tenant à quelque défaut propre, mais à un destin inéluctable.


Traduction Saisset :

Ceci posé, voyons maintenant si des gouvernements de cette nature peuvent succomber par quelque faute qui leur soit imputable. S’il est possible qu’un État dure éternellement, ce sera nécessairement celui dont les lois une fois bien établies seront toujours respectées. Car les lois sont l’âme d’un État. Conserver les lois, c’est donc conserver l’État lui-même. Mais les lois ne règneront en maîtresses qu’autant qu’elles seront défendues par la raison et les passions communes du genre humain. Sans cela, et, par exemple, si elles n’ont d’appui que la seule raison, elles seront impuissantes et facilement violées. Mais puisque nous avons fait voir que les lois fondamentales des deux gouvernements aristocratiques sont compatibles avec la raison et les passions communes du genre humain, nous pouvons affirmer que s’il est des États qui puissent éternellement subsister, ce seront ceux-là même ; car ils ne pourront succomber par aucune cause qui leur soit imputable, mais seulement sous le coup de l’inévitable nécessité.


His positis videamus iam, an huiusmodi imperia culpabili aliqua causa possint destrui. Verum si quod imperium aeternum esse potest, illud necessario erit, cuius semel recte instituta iura inviolata manent. Anima enim imperii iura sunt. His igitur servatis servatur necessario imperium. At iura invicta esse nequeunt, nisi et ratione et communi hominum affectu defendantur ; alias si scilicet solo rationis auxilio nituntur, invalidae sane sunt facileque vincuntur. Cum itaque utriusque imperii aristocratici iura fundamentalia cum ratione et communi hominum affectu convenire ostenderimus, possumus ergo affirmare, si quae ulla imperia, haec necessario aeterna fore, vel nulla culpabili causa, sed fato tantummodo aliquo inevitabili posse destrui.

Dans la même rubrique

Traité politique, X, §01

Après avoir exposé les principes fondamentaux des deux types d’État aristocratique, reste à rechercher s’il existe quelque cause intérieure (...)

Traité politique, X, §02

Il n’est pas douteux au contraire (par le § 3 du chapitre VI) que si, maintenant la forme de l’État, le glaive du dictateur pouvait se dresser (...)

Traité politique, X, §03

Les tribuns du peuple aussi étaient perpétuels à Rome, mais incapables de triompher de la puissance d’un Scipion ; ils devaient en outre (...)

Traité politique, X, §04

Toutefois cette autorité des syndics pourra faire seulement que la forme de l’État se maintienne, empêcher que les lois ne soient violées et que (...)

Traité politique, X, §05

Pour parer à ce mal on a souvent tenté d’édicter des lois somptuaires, mais en vain. Car toutes les règles qui peuvent être violées sans que (...)

Traité politique, X, §06

Ma conclusion donc est que ces vices inhérents à l’état de paix dont nous parlons ici, ne doivent pas être combattus directement mais (...)

Traité politique, X, §07

Si nous considérons les principes fondamentaux des deux États aristocratiques décrits dans les deux chapitres précédents, nous verrons que cela (...)

Traité politique, X, §08

Dans un État qui vise uniquement à conduire les hommes par la crainte, c’est plutôt l’absence de vice que la vertu qui règne. Mais il faut mener (...)

Traité politique, X, §10

On peut nous objecter que, bien qu’elles soient sous la protection de la raison et des affections communes, ces lois de l’État précédemment (...)