Lettre 45 - Leibniz à Spinoza (5 octobre 1671)

  • 1er août 2005


à Monsieur B. de Spinoza,
Godefroy Leibniz.

Monsieur,

Entre autres mérites que la renommée vous attribue, j’ai appris que vous aviez une connaissance remarquable de l’optique. C’est pourquoi j’ai voulu vous adresser un certain mien essai : j’aurais peine à trouver meilleur juge en la matière.

La dissertation que je vous envoie et que j’ai intitulée Notitia opticae promotae a été publiée par moi pour qu’elle fût plus facile à communiquer aux amis et aux personnes qu’elle peut intéresser. J’entends dire que le très honoré M. Hudde est aussi un maître en cette matière et je ne doute pas que vous ne le connaissiez très bien. Si donc vous pouviez obtenir qu’il voulût bien, lui aussi, porter un jugement sur mon travail, vous m’obligeriez infiniment.

La dissertation fait connaître suffisamment par elle-même son objet. Je pense que vous possédez l’Introduction de François Lana de la Société de Jésus, écrite en italien , qui contient aussi quelques importantes propositions de dioptrique. Il y a aussi un Suisse du nom de Johan Oltius, un jeune homme très versé dans ces matières, qui a publié des Pensées physico-mécaniques sur la vision, dans lesquelles il promet d’une part une machine très simple et d’un usage tout à fait général pour polir tout genre de verre, d’autre part dit qu’il a trouvé moyen de rassembler tous les rayons provenant de tous les points d’un objet en autant de points correspondants. Mais cette méthode n’est appliquée qu’à un objet situé à une certaine distance et d’une certaine figure. Ce que je me suis proposé d’ailleurs se ramène à ceci : il ne s’agit pas d’obtenir que tous les rayons issus de tous les points convergent exactement, quelle que soit la distance de l’objet, cela est impossible autant qu’on le peut savoir jusqu’ici. Il s’agit de faire que les rayons issus de points non situés sur l’axe optique se réunissent comme ceux qui partent de points situés sur l’axe, et que l’on puisse en conséquence donner à l’ouverture des lentilles la grandeur que l’on voudra, la vision restant néanmoins distincte. Mais je m’en remets du jugement à porter sur ce point à votre pénétration. Portez-vous bien et veuillez accueillir favorablement, Monsieur, les compliments affectueux de

GODEFROY GUILLAUME LEIBNIZ,
Docteur en droit et conseiller à Mayence

P.-S. - Si vous voulez bien me répondre, j’espère que M. Diemerbroeck se chargera volontiers de me faire parvenir votre lettre. Je pense que vous connaissez ma nouvelle hypothèse physique , dans le cas contraire je vous l’enverrai.


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