Lettre 60 - Spinoza à Tschirnhaus

Sur l’idée vraie et adéquate.

  • 5 août 2005


Au très noble
Et savant Ehrenfried Walther de Tschirnhaus,
B. de Spinoza.

RÉPONSE A LA PRÉCÉDENTE

Monsieur,

Je ne reconnais aucune différence entre l’idée vraie et l’idée adéquate, sinon que le mot de vraie se rapporte seulement à l’accord de l’idée avec son objet, tandis que le mot d’adéquate se rapporte à la nature de l’idée en elle-même. Il n’y a donc aucune différence entre une idée vraie et une idée adéquate en dehors de cette relation extrinsèque. Quant à savoir de quelle idée d’une chose, parmi beaucoup d’autres, toutes les propriétés d’un objet considéré peuvent se déduire, je n’observe qu’une seule règle : il faut que l’idée, ou la définition, fasse connaître la cause efficiente de la chose. Pour rechercher les propriétés du cercle, par exemple, je me demande si, le définissant par l’équivalence de tous les rectangles formés avec les segments d’une droite passant par un point donné, je puis de cette idée déduire toutes ses propriétés, je me demande, dirai-je, si elle enveloppe la cause efficiente du cercle. Comme il n’en est pas ainsi, j’en considère une autre, à savoir que le cercle est une figure décrite par une ligne droite dont une extrémité est fixe, l’autre mobile. Comme j’ai là une définition qui exprime une cause efficiente, je sais que j’en puis déduire toutes les propriétés du cercle, etc. De même, quand je définis Dieu : l’Être souverainement parfait, comme cette définition n’exprime pas une cause efficiente (j’entends une cause efficiente tant interne qu’externe), je ne pourrai en déduire toutes les propriétés de Dieu. Au contraire, quand je définis Dieu : un Être, etc. (voir Éthique, partie I, définition 6).

Pour ce qui est du mouvement et de la méthode, j’en parlerai dans une autre occasion, n’ayant pas encore mis par écrit dans l’ordre convenable ce qui s’y rapporte.

Je passe à ce que vous dites concernant les ordonnées d’une courbe dont on pourrait déduire beaucoup de propositions relatives à ses dimensions mais avec moins de facilité que par la considération des tangentes, etc. Je crois au contraire que bien des propositions se déduisent plus difficilement quand on considère les tangentes que par la considération méthodique des ordonnées, et je pose en principe que, partant de certaines propriétés d’une chose (une définition quelconque étant donnée), certaines propositions sont plus faciles à trouver, d’autres plus difficiles (toutes se rapportant à la nature de cette chose). Mais la seule règle à observer, d’après moi, c’est qu’il faut chercher une définition d’où l’on puisse tout déduire, ainsi que je l’ai dit plus haut. Me proposant de tirer du concept d’une chose tout ce qu’il est possible d’en déduire, il faut bien que ce qui vient en dernier soit plus difficile que ce qui vient avant, etc.


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